Muscle-cars sur mesure

Maserati 4200 Spyder - Jaguar XKR cabriolet - Mercedes SL55 AMG

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Ces cabriolets du début des années 2000 se caractérisent par une carrosserie élégante habillant le punch d’un puissant V8, le tout pour un prix abordable. Greg MacLeman prend le volant pour faire son choix.

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Pendant toute la période qui va des années 1960 jusqu’à l’écroulement deGoldman Sachs, la voiture de sport préférée des directeurs d’entreprises ou des traders à succès était forcément allemande et à moteur arrière. Mais au début des années 2000,les marques comme Jaguar, Maserati et Mercedes se sont enfin décidées à proposer des alternatives brillantes et bien pensées face à l’omniprésente 911, pour ébranler sa domination sur le marché de la « midlife-crisis ».

Mais contrairement à la Porsche, ces trois voitures présentaient une personnalité qui en faisaient des grandes routières plutôt que de pures voitures de sport: le genre de machine dans laquelle la radio était branchée sur FIP, avec The Time is Nowchanté par Moloko dans le lecteur de CD. Mais à l’inverse de leurs prédécesseurs, ces cabriolets V8 permettaient des performances ahurissantes permettant de satisfaire les acheteurs qui voulaient devancer tout le monde au feu rouge, mais qui ne rechignaient pas devant un confort agréable et de beauxsièges cuir quand leurs copains ne les regardaient pas. La valeur de ces voitures étonnantes étant aujourd’hui passée sous la barre des 20000€, il est peut-être temps de s’y intéresser: jamais le rapport entre valeur et puissance n’a été aussi favorable…

La XKR est élégante et rapide, mais ne montre pas
une personnalité très sportive

“COMME MIKE TYSON EN SMOKING, LA XK A DÉSORMAIS
LE PUNCH QUI CONVIENT À SON ALLURE DE SUPERSTAR”

Parmi ces trois voitures, la première qui soit apparue sur le marché était la Jaguar XKR, modèle-phare de la gamme XK8 dévoilée à Genève en 1996 pour remplacer la vieillissante XJS. La XK8 peut trouver ses racines dans le show car Spider XJ 1970 de Pininfarina ou dans la XJ 41 de la décennie suivante, deux projets qui ouvraient la perspective d’une nouvelle voiture de sport reprenant le flambeau de la Type E, mais qui sont restés sans lendemain. Lors de sa sortie, la XK8 était plus proche de la XJS que de la Type E, basée sur la plateforme de la première mais avec un dessin se rapprochant de la seconde. Par rapport à
la XJS, elle recevait une suspension triangulée modifiée à l’avant et, à l’arrière, le système plus moderne de double tirant transversal emprunté à la berline XJ, le tout étant complété par un dispositif sophistiqué de contrôle de traction et un amortissement électronique actif.


Déjà la XJ6 avait bénéficié d’investissements accrus à la suite le la prise de contrôle du constructeur par Ford, mais la XK8 était le premier modèle complètement conçu, dessiné et financé par Dearborn, et le résultat s’en ressentait de façon tout à fait positive. La principale différence par rapport aux anciennes Jaguar était l’abandon des moteurs six-cylindres ou V12, au profit d’un tout nouveau V8 à 90° tout alliage, une première pour la marque. La qualité de fabrication et le contrôle de coût connaissaient aussi un progrès: la présence au tableau de bord d’interrupteurs d’origine Ford était un prix modique à payer pour débarrasser Jaguar de sa réputation de fiabilité médiocre, et pour proposer un prix inférieur à celui de ses concurrentes (même la Mercedes SL 280 dépassait nettement la Jaguar en 1996).

Deux ans après le lancement de la XK8, Jaguar revenait à Genève pour dévoiler la XKR, fer de lance de la gamme et, pour Coventry, première vraie tentative de déstabilisation de l’hégémonie Porsche. La ligne restait fidèle au modèle de base, avec sa large prise d’air ovale et son bossage de capot rappelant la Type E sans tomber dans le piège du pastiche. Cependant, la XKR affichait un grillage de calandre plus sportif et deux rangées de louvres sur le capot, pour améliorer le refroidissement : sage précaution, compte tenu de la progression des spécifications mécaniques. Sous le capot en effet, le V8 de 4 litres de la XK8 était écarté pour laisser place à la version balistique et à compresseur de la berline XJR, ce qui faisait passer la puissance de 290 à 370 ch et permettait d’accélérer de 0 à 100 km/h en 5,3 s (au lieu de 6,6 s pour la XK8), avec une vitesse de pointe de 250 km/h, au niveau de ses concurrentes allemandes limitées électroniquement. Ainsi, comme Mike Tyson en smoking, cette XK avait désormais
le punch qui convenait à son allure de superstar.


Malgré ses performances très élevées, il apparaît clairement dès que vous prenez place dans l’XKR que l’objectif de Jaguar était orienté vers la branche luxueuse du marché, plutôt que vers sa section sportive ; en témoignent les sièges cuir confortables et l’abondance de garnitures en ronce de noyer rappelant une époque révolue : même l’horloge digitale, au centre, présente un cadran analogique. Par rapport à ses rivales, la position de conduite est assez haute, ce qui donne une vue dominante sur le long capot. De toute évidence, ce n’est pas une petite voiture, mais ses dimensions extérieures ne se reflètent pas dans l’habitacle qui, bien qu’extrêmement confortable, n’est pas loin de provoquer un léger accès de claustrophobie.


Toutes les XKR de cette génération étaient équipées d’une transmission automatique à cinq rapports fabriquée par Mercedes, à grille en “J”. Elle convient parfaitement à la personnalité de la voiture, avec un fonctionnement doux et décontracté. Comme ses sœurs plus modestes, la XKR est une excellente routière, avec un couple abondant; il dépasse les 40 mkg à 1 600 tr/mn de la XK8 et atteint le chiffre impressionnant de 53 mkg à 3 600 tr/mn, ce qui permet au gros V8 de ne jamais paraître surmené. Mais il est tout aussi capable de vous plaquer la tête contre le siège si vous le décidez. Enfoncez l’accélérateur et vous pourrez profiter du crissement des pneus accompagné de la chorale explosive des quatre échappements et du sifflement du gros compresseur Eaton.

Même si le moteur XJR à compresseur paraît parfaitement à son aise sous la ligne superbe de la Jaguar, sa puissance (et les performances qu’elle permet) peut parfois dépasser les capacités du châssis, en particulier sur la version découverte, plus lourde et moins rigide. L’engagement en virage est précis, mais les réglages sont clairement orientés confort plutôt que dynamisme et la voiture a tendance à s’écraser sur ses suspensions.

Les premières versions ont une allure plus classique,
avant le changement de 2008.

“LE TONNERRE DU V8 SE FAIT ENTENDRE BIEN AVANT
QUE LA MERCEDES APPARAISSE”

À l’époque où Jaguar a lancé la XK8, Mercedes avait déjà une GT bien établie sous la forme de la R129 SL. Mais comme la XJS, elle était plus bourgeoise que sportive. Quelques versions très spéciales, très puissantes et produites en petite série, sont alors sorties des ateliers AMG comme la SL73 dotée d’un V12 de 512 ch (moteur qui a par la suite équipé la Pagani Zonda) ainsi que la SL70 à moteur 7 litres et la SL60 dotée d’un V8 de 6 litres. Mercedes a même essayé une SL55 à moteur V8 atmosphérique mais, avec une production inférieure à 70 exemplaires, elle est d’une extrême rareté. Ce n’est que lorsque la R230 est entrée en lice en 2001 que le client moyen a pu pousser la porte d’un concessionnaire Mercedes et sortir son chéquier pour acheter une vraie super-SL de grande série.


Quand elle est arrivée dans les magasins d’exposition, la SL55 AMG était une des voitures les plus puissantes jamais produites par Mercedes. Elle éclipsait la SL500 dont elle était issue, grâce aux 493 ch de son V8 de 5,4 litres obtenus en grande partie par la présence d’un compresseur monté au centre et tournant à 23 000 tr/mn pour provoquer une pression de 0,8 bar. Les voitures commercialisées étaient limitées à 250 km/h mais des bruits ont couru à propos d’un magazine allemand qui avait pu débrider un exemplaire et atteindre 325 km/h : mieux qu’une Ferrari F40…

En plus d’être la plus puissante de notre trio, la SL55 est aussi la plus avancée techniquement, avec quelques équipements raffinés qui vont des sièges chauffants (et refroidissant!) jusqu’au toit rétractable, la Jaguar et la Maserati devant se contenter d’une simple capote classique. Mais cette technologie a aussi ses inconvénients et la SL est de loin la plus lourde du lot, avec un poids de 1 955 kg : comme si, par rapport à une XKR, elle transportait en permanence deux passagers de plus.


Mais si l’allemande transporte un peu plus d’acier, cela ne se ressent guère au volant. Engagez la clé futuriste dans son logement et le V8 de 5,4 litres (le plus volumineux de nos trois voitures) prend vie avec discrétion. Une indécente masse de couple vous permet de rouler pratiquement au ralenti et, même quand vous commencez à secouer un peu ce cabriolet, il reste décontracté, la boîte de vitesses automatique intelligente à cinq rapports effectuant les changements dans un meilleur timing que celle de la XKR. Elle est vive, également: ce modèle est équipé de palettes au volant, ce qui permet de pousser plus loin les régimes et de profiter de la sonorité grisante de la Mercedes.


Malgré (ou peut-être à cause de) son poids plus élevé, la Mercedes paraît la plus stable dans les
virages rapides, sans la fébrilité de la Maserati ni le roulis de la Jaguar. C’est quand on se lance à l’attaque des routes sinueuses que la suspension à contrôle électronique commence à entrer en action pour compenser les presque deux tonnes de la voiture, qui se font particulièrement sentir dans les secteurs plus techniques.


Sans doute le meilleur remède contre les kilos supplémentaires provient-il des 493 ch et du couple de 71 mkg, qui sont bel et bien présents dès que vous enfoncez l’accélérateur. Instantanément, les manières calmes et prévisibles de la SL volent en éclat et l’aiguille du compteur de vitesses balaye le cadran, accompagnée par le tir de barrage des quatre échappements. Le son est encore plus impressionnant à l’extérieur, le tonnerre du V8 se faisant entendre bien avant que la Mercedes apparaisse; suffisamment pour attirer l’attention de la police militaire, qui s’est arrêtée en chemin pour interroger le photographe…


Que ce soit sur autoroute ou en balade capote baissée, l’AMG est de commerce agréable. S’il lui manque le luxe raffiné de l’XKR, elle soigne l’ergonomie : tout semble exactement à sa place, depuis les palettes au volant jusqu’à la console centrale est ses nombreux boutons. L’impression est celle d’un luxe presque artisanal, plutôt que d’un équipement de grande série. Vous en avez vraiment pour votre argent.

La teinte métallisée convient à cette forme un peu pataude.

“PLUS LÉGÈRE ET ACÉRÉE, AVEC UN ÉQUILIBRE SUBLIME QUI
ENCOURAGE À ATTAQUER CHAQUE VIRAGE AVEC DÉTERMINATION”

De façon très comparable à Jaguar, Maserati a bénéficié dans les années 1990 d’investissements en hausse. Fiat a pris en 1988 une participation de 49 % dans l’entreprise, suivie de l’acquisition en 1993 des dernières parts d’Alejandro de Tomaso, mais la situation de la marque ne s’est vraiment améliorée qu’après le passage de la direction chez Ferrari, en 1997. L’ère nouvelle était marquée par une réfection de l’usine pendant six mois, une réorganisation de la marque sous l’autorité de Luca di Montezemolo et le lancement d’un nouveau coupé dessiné par Giugiaro, destiné à retrouver tout le panache des Maserati des années 1950 et 1960.


La 3200 GT rencontrait un succès immédiat. Elle se débarrassait du dessin anguleux des Maserati de la période Biturbo pour adopter des lignes courbes et souples capables de rivaliser avec la XK8. Elle en avait aussi la puissance, avec son V8 3,2 litres biturbo de 370 ch, doté d’un accélérateur électronique. Ainsi équipée, la nouvelle Maserati passait de 0 à 100 km/h en 5,1 s et atteignait 280 km/h en pointe. De plus, elle attirait une fréquentation accrue dans les magasins d’exposition de Maserati.

Capitalisant sur ce succès, le constructeur visait un retour sur le marché américain, d’où il avait été absent pendant 11 ans. La voiture destinée à remplir cette mission était la 4200 Spyder dévoilée au Salon de Francfort 2001. Elle reprenait un style proche du coupé, mais sur un empattement plus court de 22 cm et avec des places arrière remplacées par un ingénieux système de capote qui disparaissait complètement sous un carénage couleur carrosserie. Et sous ce bel habillage, la voiture était complètement nouvelle.


Les règlementations américaines contre la pollution imposaient l’abandon du moteur 3,2 litres turbocompressé au profit d’un V8 de 4,2 litres atmosphérique, fourni par Ferrari et qui développait 20 ch de plus pour un poids inférieur de 20 kg. Ce moteur à carter sec comportait quatre soupapes par cylindre et une pompe à huile inspirée de la F1, le vilebrequin et les culasses étant en alliage d’aluminium au silicone. Malheureusement, les superbes feux arrière “boomerang” étaient abandonnés sur l’autel de la conformité aux règles américaines.


Les options incluaient un système de suspension pilotée électroniquement et dénommé
“Shyhook”, utilisant six accéléromètres permettant de contrôler l’angle de direction et la position des roues, chaque amortisseur étant ajusté 40 fois par seconde. Au volant, le système se manifeste surtout en mode “Sport”, qui raffermit l’amortissement et accroît la réactivité de l’accélérateur. La question de savoir si cette voiture a besoin ou non d’un bouton “Sport” vous effleure l’esprit alors que (par accident) les roues arrière se mettent à cirer, envoyant une poignée de gravier vers le propriétaire qui vient tout juste de vous passer les clés. La 4200 est un peu moins puissante que sa rivale allemande, mais vous pourriez croire le contraire tant l’accélérateur réagit à la vitesse de l’éclair et déclenche un afflux frénétique de puissance. Les réactions à l’ancienne avec roues qui s’emballent sont un produit dérivé de la rare boîte
manuelle six rapports, mais aussi d’un contrôle de traction moins intrusif qui vous laisse juste assez
de corde pour vous pendre… Même sur le deuxième rapport, vous pouvez provoquer un dérapage des roues arrière alors que la voiture vous propulse vers l’avant en hurlant.


Les sensations réclament plus d’engagement que sur les deux autres voitures. Avec un poids qui dépasse tout juste 1 700 kg, elle est plus légère, plus acérée et donne une impression plus précise, avec un équilibre sublime qui encourage à attaquer chaque virage avec détermination. Elle peut aussi provoquer des frayeurs et, bien que ce soit habituellement sans conséquence, elle peut se révéler imprévisible ; un peu comme un Rottweiler capable de se retourner contre vous quand vous vous y attendez le moins. La 4200 est de toute évidence une excellente routière, mais c’est aussi la plus proche d’une voiture de sport de notre trio : la connexion Ferrari n’est jamais très loin, en particulier quand vous entendez son merveilleux V8 sonner de tous ses cylindres. C’est un des meilleurs aspects de la voiture.

Il est difficile de ne pas regarder ces cabriolets à travers le prisme de l’amateur de voitures anciennes. Mais il ne faut pas oublier qu’au moment où ces voitures ont commencé à sortir des chaînes de production, le premier iPod faisait son apparition et le smartphone n’était pas bien loin.


Visuellement, la Jaguar semble la plus ancienne. Bien que sa forme soit indéniablement la plus sexy des trois, sa carrosserie semble aujourd’hui datée, avec des porte-à-faux importants qui paraissent démodés et qui rappellent la supercar XJ 220 du début des années 1990. De son côté, la SL55 fait vibrer une corde plus actuelle. Donnez-lui une immatriculation récente et dites à vos amis qu’elle est neuve, et ils vous croiront sans doute; les traits de style partagés avec toute la gamme Mercedes en font d’ailleurs une voiture plus anonyme dans les parkings. La Maserati est celle qui peut provoquer les avis les plus tranchés : ramassée et musclée, ou courte et maladroite, selon le point de vue des uns et des autres. Mais grâce à son glorieux V8, c’est indéniablement la plus sportive.

Au bout du compte, le choix de la voiture dépend de la façon dont vous comptez l’utiliser. Pour une tranche de prestige un peu démodé susceptible d’impressionner les habitués du club de golf, ce sera l’XKR. En plus, c’est la moins chère. Les passionnés de sport seront indiscutablement attirés par le pedigree exotique et les sensations fortes (parfois un peu trop!) offertes par la Maserati. Mais pour ceux qui attendent quelque chose de plus sobre, pratique et rassurant de solidité, il est difficile de ne pas se tourner vers la SL. Non seulement c’est la plus polyvalente, mais elle semble la meilleure affaire : un cabriolet de 500 ch (et plus de 100 000 € à l’époque) pour moins du tiers d’une Série 3 neuve. Pas d’erreur possible…

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