Grand luxe pour les masses

Citroën GS Pallas - Vanden Plas 1.7

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Andrew Roberts s’intéresse à deux berlines quiétaient à la fois innovantes et très bien équipées, la Citroën GS Pallas et la Vanden Plas 1.7. Elle restent aujourd’hui restent extrêmement abordables.

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La Citroën GS Pallas (à gauche) et la Vanden Pas 1.7 (à droite)

Au premier abord, la réunion d’une Citroën GS Pallas et d’une Vanden Plas 1.7 peut sembler aussi incongrue que le duo en 1977 de Bing Crosby et David Bowie, et pourtant les parallèles sont nombreux. Toutes les deux sont des berlines luxueuses à traction avant qui ont été lancées dans les années 1970 et, quand l’Austin Allegro est apparue en 1973, une de ses principales concurrentes était la GS. Il semble donc logique de comparer les deux versions haut de gamme des deux modèles, bien qu’elles soient d’architecture et de personnalité très différentes.

La Citroën GS a été dévoilée en octobre 1970; ce modèle de taille moyenne répondait au besoin de longue date de combler le « trou » qui existait entre l’Ami6 et l’ID, version d’entrée de gamme de la DS. A cette époque, une berline traction avant avec suspension oléopneumatique, hauteur de caisse réglable sur trois positions et quatre freins à disques dont deux accolés à la boîte à l’avant, cela pouvait sembler révolutionnaire. Même en faisant abstraction du dessin plutôt réussi de Robert Opron. Le pan arrière coupé et les lignes aérodynamiques anticipaient la forme de la CX et l’un des rares détails rappelant l’âge de la voiture était l’orifice prévu dans la calandre pour le passage d’une manivelle.

La Citroën GS recevait le titre de “Voiture de l’Année”, devant la SM qui était troisième et, choix plus surprenant, la VW K70 qui occupait la deuxième place. Sur le marché britannique, les ventes ont commencé en 1971 et, l’année suivante, un moteur 1222 cm3 venait compléter le premier quatre cylindres à plat refroidi par air de 1 015 cm3.Au milieu de la décennie, la GS Club était assez répandue en Angleterre (sans parler de la France, bien sûr!) mais la Pallas, présentée en 1975, a toujours donné le sentiment d’une voiture d’un statut supérieur aux voitures de sa catégorie.

Cette impression est confirmée par l’exemplaire de 1978 de Graham et Linda Wilson : la GS Pallas affiche un air de distinction tranquille, depuis sa peinture métallisée et ses vitres teintées jusqu’aux élégants disques d’enjoliveurs de roues et à la sellerie en nylon Jersey. C’était un luxe inhabituel pour ce segment du marché et même le toit recouvert de vinyle, qui faisait partie de
l’équipement standard, rehaussait l’image de la GS, contrairement à certaines voitures sur lesquelles cet attribut ne parvenait pas à compenser une image médiocre.

Le moteur transversal permet des performances correctes

« la Vanden Plas était destinée aux retraités qui avaient occupé des postes élevés”

En France, les principales concurrentes de la Citroën, les Peugeot 304, Renault 12 TS et Simca 1100 Spécial, étaient toutes des tractions avant mais, en Angleterre, la seule voiture équivalente était une version exclusive de l’Allegro : la Vanden Plas 1500. Le carrossier basé à Kingsbury appartenait à Austin depuis 1946 et avait le statut de marque à part entière depuis 1960. Huit ans plus tard, l’abandon de la Princess 4 Litre R et le lancement de la Daimler DS 420 à carrosserie Vanden Plas traduisait un changement dans l’image de l’entreprise et il est alors apparu que son avenir reposait plus sur des transformations de Jaguar que sur des voitures produites sous sa propre marque.

Toutefois, la version Vanden Plas des Morris 1100/1300 continuait à connaître d’appréciables chiffres de vente, ce qui n’a pas empêché un projet de remplaçante basée sur l’Allegro d’exister dès 1971. Le 17 septembre 1974, les représentants de la presse ont été invités à Kingsbury pour le lancement de la Vanden Plas 15 qui malgré son origine n’a jamais reçu l’appellation Allegro. Les sièges étaient habillés du meilleur cuir Connolly, le tableau de bord était en ronce de noyer et des moquettes Wilton recouvraient le plancher. Le volant était classique et rond (alors que l’Allegro recevait un curieux volant carré à coins arrondis) et, à l’avant, la voiture arborait des phares antibrouillard et une calandre spéciale, supposée évoquer des voitures d’un statut supérieur, comme Jaguar et Daimler. “Luxueuse sans ostentation, puissante mais économique, la Vanden Plas 1500 est destinée à l’automobiliste exigeant,” annonçait British Leyland, avec l’exagération qu’imposait le langage des publicitaires.

L’aménagement par Vanden Plas était effectué en deux jours, les Allegro étant amenées de la région des West Midlands jusqu’à Londres. La 1500 coûtait plus de 2000 £, ce qui était presque deux fois le prix d’une Allegro de base, mais elle plaisait aux clients visés. Ainsi, un journaliste automobile des années 1970 considérait que la Vanden Plas “était destinée aux retraités qui avaient occupé des postes élevés”, et des détails d’équipement traditionnels comme des tablettes aménagées dans les dossiers de sièges avant rendaient la voiture encore plus attractive aux yeux de ceux qui pensaient que la société anglaise partait à vau-l’eau.

La Vanden Plas recevait la suspension Hydragas améliorée de l’Austin Allegro Série 2 de 1975
mais quand les modèles de troisième génération ont été affublés en 1979 d’épouvantables garnitures en plastique, la Vanden Plas a par chance échappé à de tels excès.

Vanden Plas avait initialement opté pour le moteur Maxi 1,5 litre car les clients habituels de la marque n’étaient guère connus pour une Mars 2018 Classic & Sports Car 87 propension aux accélérations fougueuses au feu rouge mais, à la fin de la décennie, il était possible d’opter pour un moteur 1748 cm3
à un carburateur, en plus de sièges avant améliorés. Dénommées Vanden Plas 1.5 et 1.7, ces versions
allaient connaître une vie courte car l’usine de Kingsbury fermait ses portes en novembre 1979, les derniers modèles étant fabriqués à Abingdon jusqu’à l’arrêt de cette même usine, en octobre de l’année suivante.

La voiture de ces pages est un des derniers exemplaires produits; d’ailleurs, elle n’a trouvé son premier acheteur qu’en 1986 et la phrase la plus polie pour la décrire serait qu’elle est “d’une rafraîchissante originalité”. D’innombrables pages ont été noircies ces 20 dernières années sur l’histoire de l’Austin Allegro, sur la façon dont le concept intelligent de Harris Mann a été mis en péril par la direction de l’entreprise et pourquoi, avec le recul, le volant carré était sans doute une mauvaise idée. De la même façon, le modèle Vanden Plas a été souvent montré du doigt pour ses excès. En 1989, le regretté journaliste automobile Russell Bulgin écrivait, un tantinet narquois, que c’était “une voiture-phare pour l’Angleterre, combinant l’élégance classique avec la séduction intemporelle que seule une réelle recherche de qualité peut engendrer.”

Mais les années qui sont passées ont contribué à donner aux voitures produites par Vanden Plas
beaucoup de charme et de fascination. Remplacer la Princess 1100/1300 ne pouvait être que
difficile pour British Leyland et, avec les modèles basés sur l’Allegro, l’équilibre entre modernité et tradition est de toute évidence moins réussi. Le traitement de l’extérieur de la voiture est assez discret et la peinture deux tons de cette 1.7 rappelle le thème de couleur de la compagnie de chemins de fer Great Western Railway. Mais on ne peut pas échapper au fait que la calandre rectangulaire ne s’intègre vraiment pas à la forme de l’Allegro et donne l’impression d’une armoire Louis XV parmi des meubles en Formica.

“LA GS INVITE À PROFITER DE SON ORIGINALITÉ
TECHNIQUE, ET LA VANDEN PLAS À SE PLONGER
DANS LE CÉRÉMONIAL D’UN UNIVERS COSSU”

L’habitacle faisait partie, pour les deux voitures, des arguments de vente et, bien entendu, celui de la GS n’a aucune ressemblance avec un bureau de gentleman des années 1930. Le marché anglais n’avait pas droit au compteur de vitesses “cyclope”, mais l’intérieur a quelque chose de la salle d’embarquement du film 2001 : L’odyssée de l’espace. Vous vous enfoncez dans un siège qui est tellement confortable que vous en oubliez les soucis du moment, tout en baissant les yeux sur un tableau de bord couvert d’instruments, de voyants lumineux et d’interrupteurs, dont certains semblent disposés un peu au
hasard. Ces particularités sont inévitables sur une Citroën, le frein à main au centre de la planche de bord (à la suite d’un changement de dernière minute pour un levier de vitesses au plancher) et l’autoradio en option installé entre les sièges avant faisant partie intégrale de l’expérience GS.

Par comparaison, l’intérieur de la Vanden Plas donne un aperçu fascinant de l’attachement aux traditions qui prévalait encore en Angleterre à cette époque. Aucune autre berline de cette dimension (et même la plupart des voitures de plus grande dimension) ne pouvait présenter des sièges habillés d’une sellerie cuir Connolly, ou un ciel de toit en nylon brossé. La Ford Escort Ghia Mk2, sa rivale la plus proche en terme de décor, paraissait moins “salon de club” et plus “salle de séjour de directeur commercial”. British Leyland affirmait que la 1500 était “de conception complètement internationale, tout aussi à son aise à Rome qu’à Paris ou Vienne, et pourtant son allure particulière fleurant la bonne éducation est indiscutablement britannique”. En réalité, la Vanden Plas semblait moins adaptée aux rues commerçantes de Vienne qu’à l’allée de gravier donnant accès à une villa chic de la banlieue ouest de Londres.

Les Allegro les plus chères étaient déjà des voitures bien équipées, mais les voitures réalisées
à Kingsbury donnaient à l’acheteur un sentiment de qualité authentique. À une époque où les produits de British Leyland étaient régulièrement critiqués par la presse, et où la direction commandait The Quality Connection (un film de formation d’entreprise où une Allegro mal construite provoquait un accident), la Vanden Plas fournissait une oasis de goût et de qualité artisanale. Une des raisons expliquant que la Vanden Plas ait pu durer six ans est que les standards de Kingsbury étaient nettement plus élevés que ceux d’Austin, à Longbridge.

Peut-être la principale différence entre la Citroën et la Vanden Plas est que la première invite le conducteur à profiter de son originalité technique, alors que la deuxième l’encourage à se plonger dans le cérémonial d’un univers cossu. La Pallas n’était disponible qu’avec le moteur 1,2 litre et, bien qu’il soit de cylindrée beaucoup plus modeste que celui de la Vanden Plas, il ne semble jamais surmené ; tout le
contraire, en fait. La commande de freins assis88 Classic & Sports Car Mars 2018 tés est si sensible qu’elle arrête la GS d’une simple touche sur la pédale (tout mouvement plus énergique étant déconseillé) et la voiture des Wilson est équipée de la boîte semi-automatique C-Matic. Les trois rapports de cette transmission sont bien étagés et permettent à l’utilisateur novice d’une GS de négocier les virages avec verve et émerveillement devant, comme l’écrivait LJK Setright, “la meilleure géométrie de direction jamais conçue sur une voiture de grande série.” Et la suspension maintient une assiette constante ; une fois la Pallas lancée, elle donne vraiment l’impression de glisser, imperturbable, sur les routes en mauvais état.

De son côté, le propriétaire de Vanden Plas avait droit à une suspension composée de quatre sphères interconnectées, partiellement remplies de nitrogène. Tous ceux qui utilisaient une voiture de luxe roulant sur une suspension à gaz étaient clairement mieux accoutumés au monde moderne que ce que montrait l’image de la Vanden Plas. L’Allegro inaugurait l’ambitieux système Hydragas (évolution de la suspension
Hydrolastic de la Mini) mais les premières voitures souffraient d’un mauvais amortissement, les occupants rebondissant dans la voiture. British Leyland faisait des efforts pour améliorer le dispositif et la voiture ne présente pas les mouvements de tangage reprochés aux premières Allegro. Quant au moteur 1,7 litre, il
ne donne pas une impression aussi douce que celui de la Citroën.

Une boîte cinq rapports était un autre équipement inhabituel pour une voiture anglaise de cette époque (mais de nombreux clients commandaient la transmission automatique en option) et les sièges ont une apparence fastueuse et sont des plus confortables. La sonorité du moteur Série E efface toute illusion que vous pourriez être au volant d’une Silver Shadow à échelle réduite, mais les standards Vanden Plas de qualité de fabrication s’appliquaient tout autant à cette dérivée de l’Allegro qu’à la Daimler Double-Six.

Bien entendu, un constructeur moins emberlificoté dans une série de crises interminables que l’était British Leyland aurait pu proposer le modèle avec une assistance de direction pour combattre sa lourdeur, qui est tout particulièrement notable à basse vitesse et qui a probablement limité l’attrait de la voiture en tant que citadine chic.

En 1979, la GS évoluait en GSA avec plusieurs modifications de carrosserie et la production se poursuivait pendant sept ans de plus. La rouille a largement décimé les survivantes, mais la Vanden Plas 1.7 et presque aussi rare; et les deux voitures provoquent une même fascination. La GS est beaucoup plus que le modèle idéal pour quiconque aspire à plus de confort et de performances qu’une Ami 6. C’est sans aucun doute une des meilleures petites berlines de grande série de son époque, une voiture qui appliquait une technologie avant-gardiste à une berline familiale. À la fin des années 1970, il existait
encore certaines régions d’Angleterre où l’on considérait la télévision en couleur avec suspicion et où l’arrivée d’une GS dans le village pouvait être interprétée comme celle d’un véhicule extraterrestre.

Si la Citroën GS annonçait le futur, la Vanden Plas s’accrochait délibérément à un passé presque mythique. La 1.7 a été la dernière voiture à porter la marque Vanden Plas car les Metro, Maestro et Montego qui ont suivi ont utilisé le nom pour qualifier simplement un niveau de finition supérieur tout en évitant sagement toute tentative de calandre sophistiquée. De nombreuses critiques n’ont pas perçu que le concept de l’Allegro était extrêmement prometteur et que si British Leyland en avait concrétisé correctement le potentiel, la Vanden Plas aurait pu bénéficier d’un attrait supplémentaire. Telle qu’elle est, la distinction un peu maladroite qui la caractérise reste parfaite pour tout automobiliste qui pensait que l’heure du thé était l’évènement de la journée.

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