Japonaise emblématique

Datsun 240 Z

© Classic & Sports Car / James Mann

Albert Hitchcock a importé cette Datsun 240Z d’Australie après avoir vu une minuscule photo dans une petite annonce. Il s’est ensuite lancé dans une restauration complète pour en faire un des plus beaux exemplaires de la planète. Ross Alkureishi raconte l’histoire.

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Le monde moderne, frénétique et surchargé en informations, empiète toujours plus sur l’univers tranquille des automobiles anciennes. Sur quoi allez-vous aujourd’hui jeter votre dévolu? Un site internet, une vidéo personnalisée, une « e-newsletter », YouTube, Flickr, Instagram, Twitter, Vimeo, Tumblr, Pinterest ou autre média social? Il est donc rafraîchissant qu’une bonne vieille méthode comme la petite annonce papier puisse encore se jouer des ondes électroniques et atteindre sa cible.

« Je ne recherchais pas activement, » indique Albert Hitchcock, directeur des opérations dans une société d’édition. « Mais en feuilletant un jour Classic & Sports Car, j’ai vu une annonce de la Classic Throttle Shop, à Sydney, en Australie, proposant une Datsun 240 Z de 1971, en état d’origine et avec peu de km. « La minuscule photo qui l’accompagnait attisait sa curiosité, ce qui débouchait sur un coup de téléphone qui confirmait le faible nombre de propriétaires et les 87000km d’origine. Cette conversation était suivie par une série de photos, y compris des soubassements, où apparaissaient encore les marquages jaunes d’origine sur les fixations de suspension.

“Le marchand est conscient qu’il n’y a pas d’historique car le propriétaire est mort et la voiture vendue par son fils,” raconte Hitchcock, “mais je peux ressentir à travers les photos qu’elle est bien d’origine et que, contrairement à de nombreuses 240 Z vues au fil des ans, elle n’a pas été trop bricolée. L’intérieur présente particulièrement bien, avec un autoradio d’origine, et j’ai acheté la voiture sans la voir. J’ai payé et l’ai fait transporter jusqu’au spécialiste Datsun, Fourways Engineering, dans le Kent.”


C’était en septembre 2015 et il est vite apparu que ce pari qui pouvait paraître hasardeux était en fait justifié. “Je les ai appelé et ils m’ont dit “la voiture est là, et elle est superbe”. La peinture était un peu ternie après 40 ans sous le soleil australien, avec quelques craquelures, mais la structure était apparemment dépourvue de rouille. La lampe du compartiment moteur fonctionnait, de même que l’horloge (on m’avait dit que ce n’était jamais le cas). J’ai reçu de l’atelier un rapport d’inspection indiquant qu’elle était dans un état d’origine étonnant, complète (y compris la trousse à outils), ce qui a été pour moi un vrai soulagement!”


Cette acquisition correspond à un vieux rêve qu’il a depuis son apprentissage de la conduite, à
21 ans : “Ma première voiture était une Datsun Sunny et j’ai failli acheter ensuite une 280 ZX rouge, mais me suis finalement tourné vers une
Mazda RX-7. J’en ai bien profité, tout en regrettant alors de ne pas avoir de “Z” car j’ai toujours aimé la ligne.”

Enfin propriétaire d’un exemplaire d’origine, Hitchcock a dû faire face à une décision : une remise en état légère, ou une restauration complète. L’atelier Fourways Engineering lui a fourni deux estimations, une pour une simple rectification des défauts de peinture, et une autre avec décapage complet : “Je suis allé voir la voiture et j’ai pensé qu’elle ne me satisferait pas et que je ne pouvais pas me contenter d’un simple “rafraîchissement”. Cela aurait été intéressant de la garder en état d’origine, mais toutes mes autres voitures sont impeccables. C’est simplement une préférence personnelle.”


Ainsi, en novembre 2015, la restauration de la voiture (châssis HS30 00675) commence. La mécanique est déposée et la carrosserie déshabillée avant un sablage au bicarbonate de soude (sauf la peinture intérieure). “Fourways m’a dit n’avoir jamais vu un exemplaire aussi peu attaqué par la rouille, et que c’est le meilleur qu’ils ont jamais vu,” rappelle Hitchcock. “Il n’y a pas de trace d’accident et la seule corrosion se situe sous les longerons de châssis (faiblesse commune à toutes les Z).” Les parties abîmées ont été refaites et en janvier 2016 la carrosserie est prête pour la peinture, mais elle a dû prendre son tour derrière quatre autres chantiers au programme de l’atelier. Ce qui donne le temps à Hitchcock de s’occuper d’autres aspects de la restauration.

Avec son six-cylindres 2 393 cm3, la 240 Z ne manque pas de puissance.

“LE RÉSULTAT EST UNE VOITURE QUI POURRAIT
SORTIR DU MAGASIN D’EXPOSITION D’ÉPOQUE”

Ayant couvert 87 000 km, le moteur est en parfait état et il est donc repeint, avec un effort particulier sur la présentation. La boîte de vitesses comporte des roulements bruyants, qui sont remplacés, et elle fait l’objet d’une réfection aux spécifications usine. Les freins, le pont arrière et les trains roulants bénéficient du même traitement, les pare-chocs envoyés chez un spécialiste pour chromage. “À 950 euros chaque, c’est cher, mais le jeu en valait la chandelle,” confirme Hitchcock. “J’ai également démonté les sièges et repeint les mécanismes, pour qu’ils soient parfaits.”


Parallèlement, un membre du forum du club oriente Albert vers Duncan Peacey, chez Z-Farm, qui dispose d’un jeu de très rares jantes Wolfrace 7J: “J’en cherchais sur eBay depuis des lustres, mais l’on ne trouve que des 6J.” Le tuyau est bon, et Hitchcock a pu conclure l’achat des jantes. “Elles étaient très rouillées et je les ai envoyées chez Renowheel, à Cardiff. Je ne savais pas qu’ils employaient d’anciens ouvriers de Wolfrace, et ils ont fait un travail formidable. J’ai trouvé aussi des enjoliveurs centraux neufs (ils sont fabriqués dans un matériau très léger et s’abîment facilement) pour 454 euros et j’ai fait refaire aussi les éléments d’origine de la voiture.”


En juin 2016, la carrosserie est enfin peinte et les soubassements traités avec une peinture de protection, si bien que le remontage peut commencer. Les bagues de suspension usées sont remplacées et complétées par des combinés ressorts-amortisseurs neufs à l’avant, les éléments arrière étant remis en état. Un faisceau électrique neuf prend place à l’avant, avec une restauration de l’antenne électrique. Une fois la mécanique en place, le seul composant qui n’est pas d’origine (une ligne d’échappement Piper en acier inoxydable) prend place sous la voiture.

“Toutes les garnitures de vitres en inox ont pu être polies,” précise Hitchcock, “mais l’on m’a dit de ne pas le faire avec les plaques de seuil. J’ai quand même sorti ma polisseuse et cela leur a parfaitement réussi, ce qui m’a évité d’utiliser des éléments refaits. Certaines pièces sont venues des États-Unis, comme des caoutchoucs de vitres, un cabochon de feu ou la pièce en plastique qui habille le panneau arrière, mais en fait je n’ai pas eu besoin de remplacer un grand nombre de choses.”

La console centrale a été démontée pour que tout puisse être nettoyé et remis en état mais là, Hitchcock reconnaît une erreur : “Quand j’ai essayé de démonter le pommeau de levier de vitesses, il était complètement collé sur le chrome du levier. Comme je ne pouvais pas en acheter un autre, j’ai mis un chiffon autour et l’ai enlevé avec une pince-étau… mais les dents l’ont profondément marqué! Du coup, j’ai dû le faire refaire.” Le vinyle cousu de la sellerie est disponible neuf mais n’est pas 100 % fidèle, donc heureusement celui d’origine ne nécessite qu’un bon nettoyage. Les éclairages australiens laissent place à des éléments aux normes anglaises : “J’aime bien les cabochons de clignotants blancs et j’ai pu les garder en mettant des ampoules orange.” Finalement, la Datsun étant presque terminée, les moquettes apparaissent trop médiocres pour être conservées et Hitchcock en a fait refaire des neuves.

Le superbe dessin fastback donne à la 240 Z une vraie présence.

“EN APPUYANT SUR L’ACCÉLÉRATEUR, VOUS ÊTES
IMPRESSIONNÉ PAR LE MÉLANGE DE
PUISSANCE ET DE MANŒUVRABILITÉ”

Le résultat de ces travaux est une voiture qui pourrait sortir tout droit du magasin d’exposition d’époque, candidate à la plus belle du pays! L’habitacle est typiquement japonais des années 1970, avec plastique et autoradio. Cette voiture était produite en grande série et pourtant, quand vous démarrez le six-cylindres sonore et que vous appuyez sur l’accélérateur, vous êtes d’emblée impressionné par le mélange de puissance disponible et de manœuvrabilité. Il n’est pas étonnant que ce coupé abordable ait rencontré un tel succès aux États-Unis.

“J’ai fait de nombreuses recherches sur les forums pour les dernières finitions. Ces voitures ont la réputation d’un accélérateur très réactif, donc j’ai démonté et lubrifié toute la tringlerie, tout en peaufinant le réglage des carburateurs. Un essai sur route a permis la mise au point finale.” Il a aussi effectué des recherches sur l’histoire de la voiture, en lançant des appels sur les sites australiens : “Quelqu’un se souvenait de la voiture et l’avait vue à vendre. Il a même réussi à retrouver l’annonce, avec les coordonnées du vendeur, un certain Roger Buck. J’ai pu l’appeler et lui annoncer : Je crois que j’ai acheté votre voiture.” La conversation a permis d’en clarifier l’histoire. Elle a été achetée par un médecin de Sydney, qui l’a utilisé surtout pour emmener sa secrétaire en week-end. Quand il est mort, il lui a légué la 240 Z mais, comme elle ne savait pas conduire, elle l’a laissée au garage pendant 15 ans. Après son entrée dans une maison de retraire, en 1991, la voiture a été vendue.

“Comme la peinture était en état médiocre, le nouveau propriétaire, ami de Buck, l’a fait refaire : je n’avais donc pas besoin de me poser de questions quand je me suis lancé dans la restauration! Il voulait courir avec en rallyes historiques mais, considérant qu’elle était en trop bon état pour cela, il l’a vendue à Roger Buck. Elle affiche alors 33 000 miles et il en a parcouru 20 000 encore avant de la céder à Bill Apostolopoulos, de Victoria. De là, elle est arrivée chez Classic Throttle Shop, mais malheureusement son
dossier historique n’a pas suivi. L’histoire du père mort et de la voiture vendue par le fils s’est révélée assez loin de la réalité, mais n’avait pas pu être vérifiée par le marchand. Si j’avais connu la véritable histoire, j’aurais été encore plus intéressé, mais quoi qu’il en soit la restauration a été une opération très gratifiante.”


La 240 Z a pris place dans la collection de Hitchcock, qui comporte une 911 S, une Aston Martin V8 Vantage, une Lotus Esprit S1 et une Testarossa, alors quelle sera la suivante? “Je l’ai mise en vente,” admet-il. “J’aime toujours la voiture et je suis heureux d’avoir mené à bien une restauration de ce niveau. Avec ce que j’ai payé pour l’achat, le transport, les droits de douane et la remise en état, il est peu probable que je retrouve mon investissement, mais je continue à penser que cette voiture est suffisamment emblématique pour continuer à s’apprécier avec le temps. Cela dit, je suis insatiable sur les voitures des années 1970 et 1980 et, aujourd’hui, je cherche une Lamborghini.”

Comme avec la 240 Z, imaginer ce collaborateur d’une maison d’édition moderne se plonger dans les petites annonces papier à la recherche de son prochain achat est une image séduisante !

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