
Seulement 57 exemplaires de Hornet découvrables ontété produits, pour un concours Heinz organisé en 1966. Andrew Roberts passe une journée à la plage avec une superbe survivante.
Une petite bruine persistante et une brise fraîche. Des sandwichs jambon-salade et une Thermos de soupe tiède sont suivis de tranches de tarte aux pommes. Papa, très chic dans sa plus belle veste de sport, se plaint de la longueur des cheveux des Beatles, Maman lit The People’s Friend [magazine traditionnel destiné aux femmes d’un certain âge] et leurs tentatives de capter sur leur transistor leur station préférée restent sans succès. Mais au moins, la Hornet découvrable traduitelle tout l’esprit de ce week-end à la campagne.
Eh oui, ayant remporté le concours Heinz Greatest Glow On Earth [Heinz est un fabricant de conserves et produits alimentaires], la voiture de la famille est maintenant cette Wolseley décapotable avec autoradio, tablette de maquillage avec produits Max Factor, ceintures de sécurité avant et arrière, mallette de pique-nique complète et plaid écossais.
Pour rendre hommage à l’une des plus séduisantes versions de la Mini, nous nous sommes rendus avec la Hornet de Kevin Ford sur la côte du Somerset, où tout ce dont nous avons besoin pour une parfaite journée de sortie style 1966 est un bon coupe-vent. Le détail que je préfère est la bouilloire électrique qui se branche sur une prise placée dans le coffre; même si cette Wolseley date d’une période où le progrès devenait roi, dans les campagnes anglaises tout s’arrêtait encore à l’heure du thé.
La gamme Mini s’est élargie en 1961, avec l’arrivée des versions pick-up, Cooper et Super et, en octobre, celle de deux autres déclinaisons qui ont apporté “luxe et distinction à l’utilisation d’une Mini” : la Hornet et sa sœur un peu plus chère, la Riley Elf. Toutes deux étaient alors équipées d’un chauffage et d’un lave-glace et affichaient un style spécifique dû à Ricardo “Dick” Burzi. Si les ailerons arrière semblaient un peu extravagants, le prolongement du coffre assurait plus d’espace pour les bagages. Bien entendu, une petite voiture née de la valse des marques et destinée à des conducteurs bourgeois n’a pas pu recevoir l’approbation d’Alec Issigonis, mais pendant huit ans les Elf et Hornet ont connu une bonne diffusion dans la grande banlieue.

On pourrait d’ailleurs défendre que les Wolseley et Riley étaient tout aussi légitimes que la Cooper dans l’aventure Mini, car elles occupaient une niche spécifique du marché automobile britannique. Le principal attrait de la Hornet concernait ceux qui essayaient d’entrer dans cette nouvelle ère de changement sans sacrifier leur dignité. Le badge de calandre lumineux était le signe d’un statut de classe moyenne durement gagné, car une Wolseley deux-tons appartenaient à ceux qui craignaient secrètement d’être jugés avec condescendance. La traction avant et le moteur transversal étaient sans doute un peu radicaux, mais la nacelle d’instruments à fond bois se montrait respectable. Pour ceux qui voulaient encore plus de confort (et deux boîtes à gants fermées), la Riley Elf ne coûtait que 22 £ de plus. Mais il n’y avait pas vraiment de raison de se montrer trop ostentatoire; car après tout, qu’auraient pensé les voisins?
Les Elf et Hornet ont gagné en 1962 une sellerie cuir et, en 1963, la MkII recevait un moteur 998 cm3 à simple carburateur. À partir d’octobre 1964, elles ont été équipées de la suspension Hydrolastic, la MkIII de 1966 affichant des vitres remontantes, des bouches d’aération de tableau de bord et, enfin, une commande de vitesses décalée. Quelque 28455 Hornet et 30912 Elf ont été écoulées avant d’être remplacées en octobre 1969 par la Clubman, version dont l’équilibre esthétique s’effaçait au profit d’une mode discutable. La Riley a même bénéficié d’une certaine célébrité cinématographique dans The Witches, film de 1966 où les dames bien élevées d’un village pratiquent la magie noire quand elles ne
préparent pas des gâteaux cuits au four.
Parallèlement, pour ceux qui rêvaient d’une version ouverte, David McMullan et Jeffrey Smith, de Crayford Engineering, lançaient en 1963 leur Mini Sprint, “un vrai cabriolet pour la famille”. Il y a eu aussi la Viking Sport décapotable basée sur la Hornet et, en 1965, McMullan et Smith étaient approchés par les directeurs de Heinz. La Mini découvrable avait rencontré beaucoup de succès, une Sprint apparaissant en
1964 dans La force des ténèbres avec Albert Finney, et Heinz souhaitait qu’ils conçoivent une automobile à donner en prix pour le prochain concours de promotion de leurs soupes en boîte. Il était décidé que Crayford produirait 57 Hornet spéciales, Heinz insistant pour que le carrossier n’en fabrique pas une de plus. Cette opération représentait une excellente promotion pour Crayford, mais il s’agissait aussi de sa
commande la plus importante jusque-là. Une année allait être nécessaire pour terminer les conversions et, à la fin de 1965, ils étaient confrontés à la question épineuse du stockage.
À cette époque, McMullan et Smith produisaient les Mini Sprint ainsi que des Ford Cortina dans leur propre garage, et ne disposaient pas d’espace supplémentaire. La commande de Heinz allait se révéler déterminante dans l’établissement de l’usine Crayford à Caterham mais, en attendant, la solution trouvée aurait pu sortir tout droit d’un film comique : cet hiver-là, les Hornet ont été stockées sur les courts de tennis et les parkings d’un camp de nudistes fermé hors saison…

LE CONCOURS ÉTAIT ANNONCÉ AU DÉBUT DE 1966, AVEC DES PUBLICITÉS
POUR LA HORNET “QUE VOUS NE POUVEZ ACHETER NULLE PART”
Le concours était annoncé au début de 1966, avec des publicités pour la Hornet “que vous ne pouvez acheter nulle part”. Les participants devaient associer huit soupes Heinz avec une série de plats principaux des années 1960 : par exemple, Cream of Tomato avec une “salade au pâté de foie” et ils devaient compléter la phrase “J’aimerais emporter de la soupe Heinz en pique-nique parce que…”. Et enfin préciser s’ils préféraient gagner une Wolseley de couleur Toga White ou Birch Grey. Puis, après avoir inclus deux étiquettes avec chaque inscription, ils n’avaient plus qu’à attendre l’annonce des gagnants, prévue au mois de mai.
Au total, Heinz a reçu plus d’un million de bulletins de participation, car il était impossible de négliger cette possibilité de prendre le volant d’une telle machine… Vous pouviez même demander que votre monogramme soit apposé sur la porte conducteur, détail qui aurait certainement fait des envieux dans le quartier. Mais, d’après Kevin Ford, cette possibilité a été ensuite supprimée.

Aujourd’hui, il resterait 43 survivantes de ces rares Hornet. Ford a acheté la sienne il y a 19 ans: « Et je suis toujours à la recherche du nom du premier propriétaire. » À cette époque, la Wolseley était en
assez mauvais état: « Elle semblait correcte, mais en
fait elle avait besoin de travaux. Le tapis dissimulait de la rouille et la capote s’était affaissée au fil des ans. » Au moins la sellerie rouge était-elle en bon état et, pour ce qui concerne les équipements spécifiques,
il a été très chanceux : « Elle avait la tablette de maquillage, mais je cherche encore un ou deux éléments
d’origine; ce que vous voyez correspond à ce que j’ai trouvé de plus fidèle. »
Il pense que les boîtes à pique-nique isolantes aménagées dans les vide-poches arrière étaient une tellement bonne idée que « BMC aurait dû les proposer en option. Vous pouvez même utiliser le couvercle comme une sorte d’accoudoir. » Cette Hornet est aussi équipée de sa bouilloire mais le propriétaire précise que « la faire chauffer peut vider la batterie en 10 minutes »!
Avec nos yeux de 2017, la version Crayford découvrable semble mieux adaptée à la Wolseley qu’à la Mini standard et, en roulant tranquillement le long de la plage, le sens de nostalgie est omniprésent. Il y a le levier de vitesses “baguette magique”, le mouvement bondissant caractéristique de la suspension Hydrolastic, les loquets rigides des vitres coulissantes, autant de signes familiers pour tous ceux dont la famille a utilisé une Hornet MkII. Si vous y ajoutez la capote bien conçue, vous avez entre les mains un des cabriolets les plus plaisants des années 1960. Contrairement à la Viking Sport, la 57 conserve ses vitres latérales arrière, pour une meilleure protection des occupants.
Le charme est presque impossible à définir pour une voiture ancienne, mais la voiture de Ford en a à revendre. Alors que la lumière baisse et qu’il commence à pleuvoir, c’est le voyage de retour d’une journée à la mer qui va rester comme mon meilleur souvenir. Le bruit et les cliquetis des essuie-glaces et du chauffage, sans grand effet, incarnent vraiment l’ambiance typique d’une sortie à la campagne, il y a 50 ans. Le seul élément qui manque est peut-être de pouvoir brancher l’autoradio sur un programme d’époque, avec ses réclames et ses chansons démodées.