La série B

MGB - MGC - MG Costello V8 - MG RV8 - Frontline

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Depuis sa naissance, la MGB a connu de nombreuses versions destinées à en améliorer les performances, comme le rappelle Simon Charlesworth. Mais sont-elles à la hauteur de l’originale ?

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Pour beaucoup, la MGB est une porte d’entrée idéale dans le monde des automobiles anciennes : séduisante, pratique, bien conçue, bien approvisionnée en pièces et accommodante, la B n’a pas beaucoup de rivales pour se balader sur les routes de campagne. Nous avons réuni ici les derniers cabriolets MG produits à Abingdon. Ces modèles ont été mis au point par l’usine et par des préparateurs extérieurs et, en prime, nous avons pour mission de désigner la meilleure de toutes !

Une superbe MGB 1963 m’attend pour se rendre au point de rendez-vous. La carte routière promet un voyage de rêve, mais elle ne dit pas tout : la réalité est un peu différente, avec une route tellement bosselée qu’elle efface nos rêves de confort…

La sonorité de cette sportive de 55 ans est reconnaissable entre toutes ; un grondement rauque et généreux qui pourrait faire penser à la voix d’une chanteuse de jazz. La voiture de Mark Moore se laisse conduire avec une grande facilité : elle est communicative et en même temps si complaisante que vous prenez rapidement plaisir à cette expérience nez au vent. Le moteur Type-18G B-series 1 798 cm3 à trois paliers est plus vif que le cinq-paliers ultérieur, mais il n’est pas aussi souple que le plus petit moteur de la MGA.

La version standard prend du roulis, mais est très plaisante sur petite route.

“Le grondement rauque et généreux
de cette sportive de 55 ans est
reconnaissable entre tous”

La direction à crémaillère (reliée à des jantes à rayons de dimensions raisonnables) est légère, directe et réactive. Le compromis entre confort et tenue de route vous permet de rester devant les conducteurs excités quand la route se fait moins droite, sans que votre colonne vertébrale serve d’amortisseur de complément. La seule concession de cette voiture au progrès est la présence de bagues de suspension en polyuréthane, ce qui lui donne des réactions un peu plus corsées. La boîte quatre rapports (dont trois synchronisés) avec overdrive sur les deux derniers réclame un petit effort musculaire, et la grille en H est si étroite que l’on a l’impression que la ligne première-deuxième est à califourchon sur la troisième-quatrième.


La MGB est très différente de la MGA qui la précédait. Les voitures de sport commençaient alors à placer le confort devant les engelures et la vitesse. Les habitacles s’enrichissaient d’un chauffage, de vitres remontantes et d’autoradios, alors que les ressorts étaient moins enclins à vous chahuter les reins ou vous précipiter de côté au moment le moins opportun. En Angleterre, la Sunbeam Alpine symbolisait cette approche civilisée de la conduite en cabriolet.


Selon votre point de vue, cela pouvait constituer le signe bienvenu d’une influence continentale sophistiquée ou au contraire l’annonce d’une apocalypse prochaine. Pour les acheteurs sportifs, la division Special Tuning de BMC, basée à Abingdon, pouvait fournir pour son nouveau roadster des modifications moteur et suspension propres à en développer la virilité. Avec sa carrosserie monocoque, la MGB annonçait le renouveau technique de MG, alors que la MGA Twin-Cam, la EX181 de record à moteur central ou la EX186 de compétition étaient encore des réminiscences de la gloire des années 1930. Les prototypes de MGB recevaient des portes, capots et coffres en aluminium, ainsi qu’un essieu arrière à bras tirés, barre Panhard et ressorts hélicoïdaux. Le moteur MGA TC avait été envisagé, de même qu’une nouvelle gamme de V4 et V6, projets condamnés par les responsables financiers. Seul le capot en aluminium échappait au massacre et faisait son chemin jusqu’à la production.

Oui, les moteurs BMC en V ont bien été étouffés dans l’œuf, mais pas l’idée d’un plus gros six-cylindres MG et, en 1967, apparaissait la MGC. Équipée d’un 2,9 litres C-series, elle était visuellement identique à la B, sans doute parce que MG ne faisait pas partie des priorités de BMC dont la politique devenait dans les années 1960 particulièrement chaotique. La légende racontait que la tenue de route de la MGC était tellement mauvaise que la seule façon de la faire tourner était de l’alléger, de l’attirer avec des morceaux de sucre et lui susurrer des compliments à l’oreille. Mais cette mauvaise réputation venait des exemplaires de lancement dont les pneus avant avaient été surgonflés, ce qui exagérait la direction très démultipliée et qui, combiné au poids du moteur, ne favorisait pas le comportement de la voiture. La MGC était donc qualifiée de reine du sous-virage.

Très décriée, la MGC est pourtant très agréable à conduire.

Alors pourquoi suis-je heureux au volant de cette voiture ? La MGC 1969 de Colin Howes n’est pas seulement en superbe état d’origine, avec ses deux batteries 6 volts comme sa petite sœur quatre cylindres, mais elle est en plus dotée de pneus 165/15 corrects et toutes ses spécifications sont celles de sa sortie d’usine. Sur des routes qui donnent l’impression de rouler sur de la tôle ondulée, nous avons réussi à nous comprendre. Conduire est un dialogue : écoutez la MGC, appréciez ses qualités de GT et vous vous trouverez quelque part entre “satisfait” et “conquis”. Mais brusquez-la comme une Midget et vous serez brouillés avant d’arriver à bon port.


Si vous conduisez avec calme et négociez les courbes proprement, le sous-virage ne se manifestera pas. Je dois admettre que la direction de cette voiture est légère, positive et contredit sa réputation. Le poids supplémentaire de la C, sa suspension d’origine et ses sièges plus épais contribuent à un comportement plus posé que la MGB. Le six-cylindres est à peine audible à cause de son ventilateur rudimentaire mais si vous accélérez et que le régime dépasse 3 000 tr/mn, vous aurez droit à une sonorité pleine et cultivée.

Finalement, la stratégie désastreuse de l’entreprise aura raison de la MGC. En 1966, la maison-mère de MG est passée de BMC à BMH et, en 1968 (grâce à une mauvaise appréciation du gouvernement), elle est devenue British Leyland Motor Corporation. BMH, qui avait acheté Jaguar et Pressed Steel pour les mettre dans le même panier géant que BMC, laissait MG expérimenter la MGB avec des moteurs Coventry Climax et le Daimler V8 de 2,5 litres. Les ingénieurs envisageaient même d’installer le V8 de 3,5 litres ex-Buick, mais cette idée était abandonnée en 1967 après l’acquisition de Rover par Leyland Motor Corporation, maison-mère de Triumph. Rien de cette politique désordonnée n’ébranlait le pilote et préparateur Ken Costello, qui comprenait rapidement le potentiel qu’il pouvait tirer du V8 léger et puissant sous le capot généreux de la MGB.

La Costello tient superbement la route.

“Quand le V8 atteint la zone rouge,
vous êtes immergé dans une
sonorité grisante et syncopée”

Contrairement au moteur Daimler, le V8 Rover trouvait place sans modification majeure et le bloc en alliage était, sans ses accessoires, moins lourd que le quatre-cylindres. En tout, Costello a modifié 225 exemplaires de MGB et GT (et deux MGC), ce qui a incité MG a mettre au point sa propre MGB GT V8. Même si MG et Costello Engineering étaient victimes en 1973 de la crise du pétrole, Costello allait continuer à proposer ses conversions. Les B Costello d’origine recevaient un capot en plastique doté d’un bossage (pour laisser place au collecteur Rover) mais la voiture de Harry Irvine est un cabriolet MkII 1970. Il est doté d’un collecteur Costello doté d’un simple Weber 40DCOE tourné vers l’arrière, ce qui permet de conserver le capot d’origine. Les signes permettant de l’identifier se réduisent à une calandre grillagée portant le badge du V8 Rover, une grosse inscription à l’arrière et des jantes MAG GT. Ces aménagements suffisent à faire passer la MG d’une respectabilité de bon aloi à une personnalité de blouson noir, avant même de mettre en route le bruyant V8. Au fil des ans, l’habitacle de la MGB s’est chargé de garnitures en vinyle (console, portes…) au détriment de l’espace intérieur. Dotée de pneus de 175 R14, cette voiture de 1970 est dotée de cales de réduction de l’angle de chasse, pour l’adapter aux pneus radiaux. Elle se montre aussi légère et plaisante à conduire que doit l’être une MGB.


En creusant dans mes souvenirs, j’ai l’impression que cette Costello se montre plus sportive et plus réactive que la dernière GT V8 d’usine que j’ai essayée. Dotée d’un overdrive commandé par un bouton sur le pommeau de vitesses, elle constitue une évolution logique de la version de 1963, dont les qualités se trouvent ici renforcées. Elle supporte la balade, elle a plus de punch, elle tient bien la route et, quand son V8 atteint la zone rouge, vous êtes complètement immergé dans une sonorité grisante et syncopée. Après avoir quitté la Costello (au moins physiquement), nous passons à la deuxième vie de la MGB. L’arrêt controversé de 1980 provoqué par l’usine MG n’était pas un obstacle suffisant pour empêcher la MGB de réapparaître. La RV8 est née des études de Rover Special Projects. C’était une MG à deux places qui, tel le Phoenix, refaisait surface dans les années 1990. Contrairement aux machines démoniaques produites par TVR, la MG RV8 était comme une réincarnation, 50 ans après.

L’inspiration de ce projet venait de la relance de la fabrication de la coque de la MGB, par British Motor Heritage, ainsi que de plusieurs MGB V8 réalisées par des spécialistes ou des particuliers. En fait, le groupe Rover était en train de comprendre qu’il fabriquait encore deux éléments-clés de la recette V8, juste au moment où il avait besoin de rappeler, après l’arrivée de la MX-5 et avant celle de la MGF, le contenu de son ancien catalogue de voitures de sport.

Fabriquée par Automotive Design Consultants, la voiture modifiée est superbe : l’extérieur peut faire penser à une Bentley junior mais l’habitacle, avec son bois et sa sellerie en cuir clair, rappelle plutôt une Cadillac de retraité en Floride. La RV8 était la MG la plus haut de gamme depuis des lustres et, dans l’Angleterre des années 1990, ce décor de luxe était là pour le rappeler. Hélas, même comparé à l’habitacle de la Costello, cet aménagement opulent était envahissant et rendait la conduite décapotée obligatoire pour les individus de grande taille.


Le moteur de 187 ch est relié à une boîte cinq rapports LT77S ou R380, et la voiture est dépourvue des équipements électriques (vitres à manivelle, direction non assistée) que pouvait attendre l’acheteur ayant déboursé 26 500 £ [équivalent de 222 000 francs]. Ce qui explique peut-être pourquoi 80 % de la production a été engloutie par des Japonais anglophiles.


La RV8 de 1994 ex-marché japonais de Trevor Bailey est encore dotée de ses équipements “locaux” (depuis les pare-chocs jusqu’aux prises d’air de climatisation et extensions d’ailes avant). Comme si elle venait de descendre du bateau. Avec le “glougloutement” du V8 et le couple généreux, il y a là des réminiscences de la MGC. Cette voiture est relaxante. Dotée d’une meilleure suspension (avec amortisseurs télescopiques), la RV8 roule agréablement sur ses 205/65 VR15 et, avec son différentiel autobloquant, la motricité est aussi bonne que l’on peut l’espérer.

Mais si vous essayez une conduite plus sportive, vous ne ferez que contrarier la voiture. Des souvenirs d’exubérances passées me rappellent que cette MG n’est pas faite pour flirter avec la corde et la suspension, perturbée et déséquilibrée, vous le fait sentir. À l’arrière, l’essieu rigide Leyland-Daf à ressorts à lames, bien que doté de barres antiroulis et anti-rebond, apparaît nettement dépassé en conduite rapide sur un revêtement inégal. Alors évitez. Choisissez un mode coulé, progressif et décontracté car ce faisant, la RV8 prend plus de sens comme voiture de collection qu’elle n’en avait dans la vitrine des concessionnaires. Si vous tenez absolument à chatouiller l’accélérateur, vous pouvez essayer un kit Hoyle de suspension arrière indépendante.


La disparition de la RV8 a marqué la fin de l’implication de la marque dans la famille MGB. Pourtant, les amateurs n’ont pas baissé les bras, pas encore rassasiés de la personnalité du célèbre roadster à l’octogone. Depuis les derniers spasmes de MG Rover et l’arrêt de la TF, plus aucun roadster MG n’était disponible, mais une alternative est arrivée. Avec toutefois un prix à six chiffres. Frontline est un nom que connaissent ceux qui prennent quelques libertés avec l’authenticité de leur automobile. L’entreprise est née avec l’installation par Tim Fenna d’une boîte Toyota cinq rapports dans les Spridget, et la MGB GT a constitué la base du premier modèle qu’elle a vendu “clé en main” : la LE50.

C’est bien une B, mais pas celle que nous connaissons ! Extrêmement rapide,
l’Abingdon Edition se comporte brillamment sur sa suspension multibras.

“Le moteur préparé se déchaîne avec
une énergie et un bruit démoniaques”

La Frontline Abingdon Edition 2014 est issue de la LE50, avec plus de puissance, un châssis amélioré et une carrosserie cabriolet. En fait, elle correspond à la matérialisation d’une idée jamais aboutie, la MGB Twin Cam. Plus folle, plus rapide, avec des spécifications moteur beaucoup plus brillantes et une suspension nettement plus sophistiquée, elle fait partie d’un groupe de plus en plus nombreux de modèles ressuscités qui ont attiré l’attention de la presse “moderne”. Elle oblige les commentateurs à se familiariser à nouveau avec des sensations authentiques, un engagement du conducteur et un comportement sans subterfuge.


Fabriquée sur une base de MGB restaurée, équipée de pièces de freins et suspension spéciales et propulsée par un quatre-cylindres Mazda double arbre de 289 ch, une Abingdon Edition à l’arrêt est aussi discrète qu’elle est bien équipée. Mais cette discrétion s’évanouit dès que vous enclenchez le démarreur et lâchez le fauve sur la route. En enchaînant les six rapports pied au plancher, le moteur préparé se déchaîne avec une énergie et un bruit démoniaques. Le passage des vitesses se fait en un éclair et le rapport poids/puissance de 3 kg/ch vous précipite dans un monde où la vitesse est reine.


Ce n’est qu’en arrivant sur un revêtement médiocre que les pneus à profil bas (185/70 R15 à l’avant et 215/60 R15 à l’arrière) provoquent des à-coups en pleine accélération. C’est le signe d’un certain manque de fluidité de la suspension arrière et des limites de son architecture datant des années 1960. Mais c’est une bien modeste réserve, si l’on tient compte de l’excellente direction assistée, du comportement bien maîtrisé et de la tenue de route homogène. Il n’est pas étonnant que les 25 exemplaires produits aient été rapidement écoulés.

Mais cette voiture est-elle pour autant la meilleure MGB, compte tenu de la sportivité classique de la MkI, de la surprenante polyvalence de la MGC, du style grisant d e la Costello et de l’attrait sous-estimé de la RV8? Pour ma part, je choisirais volontiers la Frontline (si mon compte en banque le permettait !), qui domine ce groupe. Mais mon expérience personnelle me dit que, à cause de ma taille, il me faut rester sur une voiture d’avant-1969. Et aujourd’hui, ce qui l’emporte est le plaisir de se balader au volant d’une MGC purement d’origine.

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