Dans la lignée des premières « GTI » !

Renault Sport 182 Trophy - Honda Civic Type R - Ford Focus RS

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Renault, Honda et Ford ont tordu le cou aux lois de la traction avant avec ces trois compactes particulièrement brillantes. Greg MacLeman s’ingénie à déterminer une gagnante.

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Ne réajustez pas vos lunettes. Il n’y a pas d’erreur. Vous n’avez pas acheté par mégarde un magazine d’automobiles modernes, mais bien Classic & Sports Car ; et ces trois voitures remarquables, bien qu’elles ressemblent étroitement à leurs cousines de base, méritent toute votre attention, considération et même… respect.

Si à première vue l’aspect très modernes de ces petites berlines sportives a quelque chose de troublant dans ces pages, elles sont plus proches de toute une série de machines nées au milieu des années 1970 que de leurs jumelles conçues pour aller au supermarché. Autobianchi, Simca et Renault ont été les pionniers du genre avec les A112 Abarth, 1100 Ti et R5 Alpine, suivies de la VW Golf GTI, nouvelle référence. A peine 10 ans plus tard, presque 25% des Golf étaient des GTI et une multitude d’autres modèles étaient apparus : de la MG Maestro à la Ford Fiesta XR2, en passant par la Renault 5 GT Turbo et la célèbre Peugeot 205 GTI.

L’idée s’est emballée dans les années 1990 avec l’augmentation de la puissance et l’apparition de nouveaux acteurs. Notre trio correspond aux petites-filles des originales. Au début des années 2000, cette moisson de petites machines agiles et terriblement puissantes a repris le thème exploité dans les années 1980 et l’a poussé jusqu’aux limites de la raison. Ces trois voitures tournent autour de 200 ch, presque le double de leurs devancières qui, à leur époque, étaient déjà considérées comme les faiseuses de veuves de la génération Adidas.

L’amortissement Sachs préserve la stabilité de la Renault en toutes circonstances.

L’ancêtre de la Renault Sport 182 Trophy (ou Clio RS Trophy, série réservée à l’Angleterre et la Suisse, sorte de Clio RS Team et son pack circuit) n’est autre que la Renault 5 Alpine qui précédait de quelques mois la Golf GTI, avec une puissance deux fois plus élevée que la version 845 cm3 de base. La Clio a suivi en 1990, avec trois ans plus tard la Clio Williams. Un total de 12000 exemplaires a vu le jour à la faveur de trois séries limitées, avant l’arrivée de la Clio II dont la coque est celle de “notre” 182 Trophy.

Malgré l’appellation, Williams n’est pas intervenu dans la mise au point de la version sportive de la Clio, due entièrement à Renault Sport. Les choses se sont poursuivies en 1998 avec la Clio RS 172 ch, la plus puissante des Clio (au moins jusqu’à l’arrivée en 2000 de la version V6 de 255 ch). Comme la Williams, la RS recevait un 2 litres 16 soupapes spécifique qui la distinguait des versions plus courantes de la gamme, mais le dessin aux lignes rondes était préservé et peu de choses permettaient de l’identifier des versions moins prestigieuses, à part des jupes latérales plus marquées et des pare-chocs modifiés.

Un rajeunissement intervenait en 2001 et les phares globuleux laissaient place à un avant plus agressif, curieusement proche de la Focus RS. Une version Cup (“Jean Ragnotti” en France) encore plus affutée faisait son entrée en août 2002, dépourvue d’ABS, de climatisation et de sièges rembourrés mais dotée de belles jantes Speedline Turini. Dépassant à peine 1000 kg, c’était la plus légère des Clio RS.

La gamme évoluait encore en 2004 avec la RS 182 ch qui gagnait 10 ch. Cette version sera une des plus diffusées, avec 5222 exemplaires standards et 539 versions Cup avant l’arrivée en 2005 de la Sport 182 [RS] Trophy. Ce dernier modèle n’a été produit qu’à 550 exemplaires, dont 500 pour l’Angleterre, historiquement le meilleur marché de Renault pour les Clio spéciales. Étonnamment, le département marketing de Renault n’a commandé aucun exemplaire, mais 50 conduites à gauche ont pris le chemin de la Suisse. Comme les versions précédentes, les Trophy étaient produites dans l’ancienne usine Alpine de Dieppe et toutes recevaient la même teinte rouge Capsicum avec inscription Trophy sur les bas de caisse et un spoiler emprunté à la V6 de 255 ch mise au point par Tom Walkinshaw Racing.

Dérivée de la Clio RS 182 ch, la Trophy bénéficiait de diverses améliorations, dont surtout de nouveaux réglages de suspension. Elle recevait des ressorts plus fermes (de 20 % à l’avant et 15% à l’arrière) ainsi que des porte-moyeux avant renforcés, dans une géométrie modifiée. Une butée hydraulique remplaçait les éléments en caoutchouc, permettant d’abaisser la caisse de 10 mm, mais le morceau de bravoure était des amortisseurs Sachs équipant généralement des machines de compétition. Ces éléments, qui coutaient 10 fois le prix de la suspension d’une RS standard, étaient dotés d’un réservoir déporté recevant 50 % de l’huile et du gaz, ce qui améliorait la stabilité thermique et dégageait de l’espace; et la différence est vraiment notable sur la route.

Des trois voitures de ces pages, l’habitacle de la Trophy est le moins élégant, et il partage la majeure partie de son équipement avec la Clio normale. Ses sièges Recaro Sport Trendline sont toutefois une heureuse exception et vous maintiennent confortablement sans vous donner l’impression d’être dans une machine de course et en restant d’apparence assez discrète. La sonorité du moteur n’est pas exactement exaltante au démarrage, non plus que celle de l’échappement, mais tout cela change lorsque vous enclenchez la première et enfoncez l’accélérateur. L’embrayage est le plus ferme des trois voitures mais la boîte est fluide et précise, avec un mouvement suffisamment court pour être gratifiant. Mais c’est surtout le moteur très vif qui vous galvanise. La montée en régime est vigoureuse jusqu’à 5000 tr/ mn, et c’est là que la distribution variable entre en jeu et vous donne l’impression d’avoir un bouton “boost” dissimulé.

L’irrésistible accélération de la Clio (0-100 km/h en 6,8 s, bien qu’elle donne une impression nettement plus forte) pourrait faire peur si la voiture n’offrait pas une tenue de route extraordinaire, que nous avons mise à l’épreuve sur le célèbre circuit d’essai de Longcross. La suspension super-dure peut atteindre ses limites sur les bosses particulièrement rudes, mais quand elle est en charge vous pouvez vraiment sentir les avantages du système Sachs, qui contribue à maintenir la voiture parfaitement assise, stable et équilibrée en courbe. L’attaque est incisive et la direction renvoie toutes les sensations nécessaires, le niveau de motricité étant vraiment étonnant. Alors que les roues avant commencent juste à atteindre leur limite sur ce revêtement humide, vous comprenez clairement pourquoi la Clio RS s’est forgée une réputation d’agilité de fox-terrier, avec une tendance à lever une roue arrière en conduite très sportive.

Ford maîtrise les habillages sportifs, mais la Focus en fait un peu trop, même si les jantes de 18 pouces sont parfaites dans les ailes élargies.

Tout comme la Clio, la Focus RS appartient à une longue lignée de Ford sportives qui remonte aux Escort RS des années 1970. L’assaut de la marque sur le marché des “GTI” a commencé dans les années 1980 avec la Fiesta Supersport, ballon d’essai pour la XR2, puis la XR3 qui concurrençait la Golf GTI. La RS 1600i en série limitée suivait en 1983, la RS Turbo apparaissant un an plus tard jusqu’au rajeunissement de carrosserie de 1986. Avant la Focus, la dernière Ford à avoir porté le célèbre insigne RS était l’Escort Mk6 RS 2000, mais sa devancière la plus directe, à qui elle doit être inévitablement comparée, était la brutale Escort RS Cosworth turbo de 227 ch. Cette spéciale d’homologation définissait une génération de voitures à la fois très sportives et accessibles, avant d’être arrêtée en 1996.

Il a fallu attendre longtemps la remplaçante, la Focus RS Mk1 étant enfin lancée en 2002. Ceux qui espéraient une avancée par rapport à l’Escort étaient un peu déçus par la puissance en recul, à 212 ch, et par la seule transmission aux roues avant. Les premiers essais confirmaient les doutes, avec des histoires de train avant aux effets de couple mal maîtrisés. Pourtant, la Focus RS parvenait rapidement à se poser en référence, à côté de la Clio RS.

Un coup d’œil aux spécifications montre que la Ford était mieux équipée que la Clio pure et dure, avec en série un ABS, la climatisation et même un chargeur de CD. Des jantes de 18 pouces étaient aussi au programme et, combinées aux extensions d’ailes et à la garde au sol plus basse, elles contribuaient à distinguer la Focus de ses concurrentes. De gros étriers Brembo étaient visibles derrière les jantes et la teinte Imperial Blue (la seule disponible) évoquait la Puma Racing. Contrairement à cette dernière, Ford n’a eu aucune difficulté à produire 4501 Focus RS sur une période de 13 mois, dont 2147 pour l’Angleterre.

La principale raison du succès de la Focus n’est pas son allure agressive, mais ses performances brillantes, même si son pouvoir de séduction est perceptible dès que l’on prend place dans les sièges Sparco confortables, enveloppants et très bleus. L’intérieur donne une impression très “accessoirisée”, avec des garnitures façon carbone et aluminium. Mais c’est le bouton vert de démarrage qui réveille vos fantasmes, même s’il faut tourner la clé pour le faire marcher : magnifiquement inutile!

Une fois en route, le moteur émet une sonorité plus déterminée que les deux autres voitures. La première impression est celle d’une voiture parfaitement adaptée à la conduite quotidienne, avec un embrayage plus léger que celui de la Clio et des freins plus doux. Mais les choses se réveillent ensuite et il ne vous faut pas longtemps pour comprendre qu’un détail important sépare la Focus de ses rivales : un gros turbocompresseur. Démarrer est un évènement et, si les réactions parasites du train avant sont perceptibles, elles n’enlèvent pas le sentiment d’excitation. Enfoncez l’accélérateur et la Focus s’envole, avec juste assez de temps de réponse pour vous rappeler son âge. Selon les standards modernes cela serait considéré comme un défaut, mais pour nous c’est une question de caractère : c’est une énergie très différente de celle procurée par les machines atmosphériques.

Les dimensions et les voies larges de la Focus lui permettent de présenter une superbe stabilité dans les courbes rapides et le châssis parfaitement équilibré contribue à une tenue de route réactive quand la route se fait plus sinueuse. Comme la Puma Racing, la Focus est souveraine pour tracer les trajectoires : avec une motricité mécanique sans faille, elle parvient à garder son assiette et son assurance même en conduite rapide.

Plus discrète que ses rivales, la Type R est aussi rapide et se comporte brillamment.

“Essayer de choisir entre ces trois bombes est
comme déterminer votre Spice Girl préférée”

Au contraire de ses rivales, la Honda Civic Type R a connu une origine plus modeste. La première apparition de la Civic en Europe correspond à la crise du pétrole de 1973. Le quatre-cylindre 1169 cm3 répondait à la demande pour des voitures économiques, tout en gagnant une réputation d’excellente fiabilité. Cinq générations de Civic se sont succédées de 1972 à 1995 et, en septembre de cette même année est apparue la sixième. Il n’a pas fallu longtemps aux amateurs de performances pour la remarquer.

La première Type R (dénommé EK9) était lancée en 1997 sur le sol japonais uniquement, ce qui n’empêchait pas des centaines d’exemplaires d’être importés en Angleterre via le marché parallèle. Un incroyable moteur 1,6 litre développant 185 ch, allié à une coque légère et un différentiel autobloquant, permettait une accélération de 0 à 100 km/h en 6,6 s, la tenue de route de la voiture entrant dans la légende. Le succès du modèle soulignait la demande des amateurs et préparait la venue de l’EP3 “break” de ces pages.

Honda a repris les meilleurs éléments de l’EK9 (un châssis magnifiquement équilibré et un moteur prodigieux) et les a améliorés sur son nouveau modèle, commercialisé en 2001. Cette fois, les voitures étaient produites dans l’usine Honda de Swindon d’où sortaient aussi des Type R spéciales 212 ch (au lieu de 197 ch), dotées d’un différentiel autobloquant Torsen et d’une suspension plus ferme, réservées toutefois au Japon. Mais cela n’a pas troublé les acheteurs britanniques. Car même en version 197 ch, le moteur 1998 cm3 double arbre est capable de grimper allègrement jusqu’à 8000 tr/mn, la distribution variable reprise du modèle précédent provoquant un surcroît de puissance à 5850 tr/mn. Rester au bon régime ne pose pas de problème, grâce à la boîte à six rapports courts parfaitement étagés.

Toutes trois affichent des performances élevées, mais avec à chaque fois une personnalité affirmée.

Malgré l’ajout de pare-chocs spéciaux, de jupes latérales et de jantes alliage, la ligne ramassée de la Type R peut sembler assez discrète, surtout à côté de la Clio et de la Focus RS. Cette relative sobriété est largement compensée par une conception pratique et ergonomique. Ainsi, l’habitacle est spacieux avec une bonne garde au toit pour les grands conducteurs et de la place à l’arrière pour les amis, les sièges Recaro en Alcantara offrant la meilleure position de conduite des trois voitures. Le levier de vitesse au tableau de bord est la première chose que vous remarquez en montant à bord et, bien qu’apparemment peu conventionnel, il s’adopte très rapidement. En fait, ce levier fait partie des nombreuses caractéristiques particulières qui contribuent à donner à la Type R une personnalité spécifique et bien construite, avec l’impression de sortir d’usinage au contraire du plastique et du faux cuir de ses concurrentes.

Sur la route, la sensation de qualité de fabrication est réaffirmée par l’absence de bruits parasites, contrairement à ceux qui accompagnent la Ford et la Renault. La sonorité qui domine est celle du moteur, qui se met à hurler quand vous enchaînez les rapports en montant les régimes. L’accélération féroce semble supérieure aux 6,6 s de 0 à 100, la meilleure transmission du trio vous encourageant à maintenir la pression.

Essayer de choisir entre ces trois bombes est un peu comme déterminer votre Spice Girl préférée : elles sont brillantes chacune à sa façon et, au bout du compte, le choix se résume à une prédilection personnelle. Préférez-vous la course agile de la Clio Sport, la charge tapageuse de la Focus RS et son turbo, ou la précision chirurgicale de la Civic Type R?

Mais je ne vais pas fuir mes responsabilités et vous confie donc mes choix. Sans aucun doute, la voiture qui est le plus à même de revendiquer le statut de classique est la Focus, et sa valeur prend d’ailleurs le chemin de l’investissement. La 182 Trophy est de toutes évidences la machine la plus excitante sur circuit. Mais c’est la Civic qui décroche les meilleures notes, car elle révèle une parfaite combinaison de sensations de conduite, de facilité d’usage et de conception accomplie.

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