
Austin pensait savoir ce que voulaient les Américains en créant l’A90, mais en réalité la sportive baroque voulue par Leonard Lord n’a rencontré le succès qu’en Angleterre.
J’ai toujours eu les Austin Atlantic dans le sang. Mon père me racontait ses aventures avec les deux qu’il avait eues au début des années 60 : les vacances en Écosse et au Pays de Galles avec le cabriolet douteux dépourvu de marche arrière ; le retour au camp, de nuit et dans le brouillard, avec son ami militaire, dans le coach trouvé dans un abri ; impressionner les filles avec la capote électrique du cabriolet. Il avait cassé la boîte en faisant la course avec la Jaguar MkVII d’un ami mais, toute mésaventure ayant ses avantages, il l’avait remplacée par une boîte d’Austin-Healey, ce qui lui avait permis d’atteindre pour la première fois 160 km/h. Et quand le cabriolet Atlantic a finalement rendu l’âme (sans doute incapable de passer le nouveau contrôle technique), le casseur lui a donné 5 £ car il voulait la radio.
Cela se passait bien avant moi, mais les preuves existent sur les photos de vacances qui montrent un jeune Ken Buckley, avec sa mèche à la Tony Curtis, fièrement assis au volant d’une grosse voiture à trois phares, baguettes chromées sur le capot et peinture deux tons qui, même sur cette photo médiocre, donne l’impression d’avoir été appliquée au pinceau.
C’était une voiture d’allure avenante, qui correspondait à l’idée anglaise de ce que souhaitaient les Américains ; même si son avant d’auto tamponneuse, où la calandre traditionnelle était remplacée par une ouverture étroite et un phare cyclope, ne rendait guère justice à la ronde élégance de sa partie arrière.
Déjà âgée de 10 ou 12 ans sur cette photo ancienne, elle appartenait à une époque d’inconscience sans contrôle technique, limitation de vitesse ou règle irritante concernant des détails tels que les pneus lisses. Une époque où posséder une voiture était une sorte de privilège et pas un droit acquis, comme elle paraît l’être aujourd’hui.
[…]