
Si vous achetez bien, la « plus belle voiture du monde » peut offrir beaucoup de plaisir au volant.
La valeur des Jaguar Type E a beaucoup varié au cours de ces dernières années, les premières versions atteignant des niveaux ahurissants et tirant vers le haut les autres modèles. Mais le marché s’est calmé et la Type E reste une voiture extrêmement plaisante à conduire et, en bon état, elle peut même être fiable et peu chère à utiliser.
La Type E n’était pas chère à fabriquer car elle reprenait des composants de berlines et, aujourd’hui, quasiment toutes les pièces sont disponibles, la plupart à prix abordable. Les spécialistes travaillent même à améliorer certains moules de piètre qualité.
La restauration et les travaux de carrosserie sont chers; les voitures étaient ajustées à la main et la pièce d’un exemplaire ne se montera pas forcément bien sur un autre. Donc n’attaquez pas une voiture à restaurer complètement à moins de prévoir la plupart des travaux par vous-même, ou de négocier un prix canon. Des sommes démentes ont été parfois payées pour des « sorties de grange »: ce n’est éventuellement justifié que si l’état d’origine est très bon, ou s’il s’agit d’une version rarissime. Une voiture très fatiguée quand elle a été remisée il y a 30 ans ne vaut pas plus parce qu’elle est restée, depuis, dans une grange.
Les modifications sont fréquentes. Certaines peuvent améliorer la facilité d’utilisation,mais la plupart ont un effet négatif sur la valeur, donc assurez-vous de bien connaître les spécifications d’origine et de voir ce qui n’y correspond pas. Les modes changent: dans les années 80, de nombreuses répliques de « plancher plat » ont été créées car personne ne savait très bien à quel moment le plancher plus profond était apparu. Aujourd’hui, ces voitures sont reconverties dans leur forme d’origine.
Les premières versions sont recherchées pour leur rareté, mais en fait les modifications effectuées par Jaguar étaient toutes conçues pour améliorer le confort et l’agrément, si bien qu’une version plus tardive sera plus agréable et plus facile à utiliser. Il y a beaucoup de snobisme à propos des phares profilés et au sujet des 2+2 qui ne sont pas aussi belles ; pour monsieur Tout-le-Monde, une Type E est une Type E et, au volant, une Série 2 coupé 2+2 est la lus confortable et la plus pratique de toutes. Les premiers roadsters vaudront toujours plus, mais vous pouvez connaître le plaisir d’une Type E pour un budget beaucoup plus modeste.
Points à surveiller
Corrosion
Une inspection très soigneuse est indispensable, notamment des planchers, bas de caisse, fixations de berceau avant, auvent, fixations de bras de suspension arrière, points de cric, plancher de coffre et bas de portes.
Traces d’accident
A détecter : distorsion du berceau tubulaire avant, réparations médiocres, déformations par des crics mal placés.
Berceau avant
Surveillez la corrosion des tubes Reynolds haute résistance. Le numéro de série est frappé en haut de la fixation de l’amortisseur avant droit. En cas de montage d’un berceau neuf, vérifiez l’alignement.
Ajustement
La Type E était ajustée à la main, avec des recharges au plomb. Le mastic n’est pas gênant s’il n’est pas trop épais ; les restaurateurs se battent avec des panneaux qu’il faut poncer ou modifier pour un ajustement parfait. Méfiez-vous des bricolages peu durables.
Une Type E bien restaurée doit donner une impression raffinée, ferme et très vigoureuse ; performances et comportement apportent un plaisir de conduite grisant, avec sous les yeux le long capot à bossage central. Et si elle est bien entretenue, une Type E sera également fiable.
Le 6-cylindres double arbre supporte une utilisation intensive, mais réclame des vidanges fréquentes. Vérifiez les fuites, surtout du joint de vilebrequin arrière (nécessite une dépose moteur), et les traces de surchauffe ; écoutez les claquements de distribution, le cognement de cames ou de bielles usées.
Les carburateurs SU se marient bien au moteur. Convertir un collecteur depuis le montage US en Stromberg peut être cher : éventuellement moins avec des Weber.
La suspension avant s’use aux rotules, mais elle est réglable. Les freins sont efficaces et peu chers sur les 4,2 l ; plus complexes sur les 3,8 l.
Moyeux, cardans, amortisseurs et bagues usés, berceau rouillé, frein à main grippé, tout dérègle le train arrière ; les ponts US sont plus courts.
Les sièges de 4,2 l sont plus confortables que ceux de 3,8 l. Des sièges de MX-5 peuvent être installés, mais gardez ceux d’origine.
Sur la route
Toutes les Type E, même une 2+2 automatique, sont des voitures rapides, et doivent montrer une suspension ferme et des accélérations vives. Contrairement à la croyance populaire, si elle est capricieuse ou molle une Type E ne réclame pas nécessairement de modification, mais un bon réglage ou le remplacement de composants usés, tous abordables.
Une fois que vous avez trouvé une voiture saine, vérifiez la conformité des pièces de carrosserie et de mécanique. Tout est plus ou moins interchangeable (vérifiez les numéros) et le modèle est sujet depuis longtemps à diverses modifications. A moins de vouloir courir, inutile de modifier le moteur : si cela a été fait, vérifiez que souplesse et consommation n’ont pas été sacrifiés. Le système de refroidissement est normalement suffisant ; des signes de surchauffe ou de mélange huile/eau peuvent traduire un joint de culasse défectueux. En cas de doute, faites inspecter la voiture. Une reconstruction moteur peut coûter autour de 7 000 €.
Une conversion en boîte cinq vitesses est assez fréquente : vérifiez que tous les rapports passent bien. Les boîtes Getrag sont difficiles à refaire ; les Tremec sont souvent neuves, mais l’adaptation au moteur XK peut être suspecte. Les boîtes d’origine conviennent si elles sont correctement refaites : la Moss (3,8 l) n’a pas de synchro en première et elle est assez lente. La Borg-Warner Model 8 automatique de certaines 2+2 est brusque. Si elle est douce, c’est qu’elle est usée !
Installer un pont plus long est une alternative à une boîte cinq rapports, pour les longs trajets : vérifiez les indications sur le pont arrière pour connaître le ratio, et pour savoir si le différentiel est autobloquant.
A l’usage
« Il y a 6 ans, je n’avais encore jamais eu de voiture ancienne, » raconte Peter Gerstrom, « mais j’ai décidé d’acheter une Type E car j’ai toujours aimé sa forme. Je n’avais aucune idée de la valeur ou des versions, mais j’aimais les phares profilés, la couleur rouge et la sellerie beige. Cet exemplaire était à vendre chez un marchand et j’ai demandé à un expert de l’inspecter. Il a recommandé quelques travaux mineurs, qui ont presque tous été faits, et je l’ai achetée. J’ai eu beaucoup de chance. Seul un palier de bielle a lâché peu après l’achat, mais le marchand a réglé le problème sous garantie.
Depuis, j’ai parcouru 32 000 km : nous sommes allés en Patagonie, Australie, Pologne, Espagne, Grèce, dans les Alpes et la Provence. Après chaque voyage, elle a été révisée, et a toujours magnifiquement fonctionné. »
Les alternatives :
Chevrolet Corvette Sting Ray 1962-1967, 117 964 ex
Chevrolet a répondu à la Type E avec un nouveau châssis à suspension arrière indépendante, une forme superbe et des moteurs V8 particulièrement puissants. Cote actuelle 35 000-110 000 €.
Mercedes SL « Pagode » 1963-1971, 48 912 ex
Sophistiquée et un peu féminine, la SL était une sportive haut de gamme, pas aussi rapide qu’une Type E mais confortable, avec un bon comportement et une belle fabrication. Cote actuelle 40 000-110 000 €.
Repères historiques :
1961 mars Présentation 3,8 l roadster et coupé au Salon de Genève. Oct. les fermetures extérieures du capot disparaissent.
1962 fév. Le plancher abaissé remplace le plancher plat.
1964 oct. La 4,2 l remplace la 3,8 l : plus de couple, meilleurs freins et sièges, alternateur, boîte Jaguar remplace la Moss, tableau de bord en vinyle noir.
1966 mars Apparition coupé 2+2, option boîte automatique Borg-Warner 3 rapports, option climatisation.
1967 Phares sans profilage (à l’origine pour marché US) standard ; 2 carburateurs Stromberg pour les versions US.
1968 oct. Série 2 : phares et feux plus gros, plus grande calandre, meilleurs sièges et refroidissement, jantes acier chromé en option, pare-brise 2+2 avancé.
1970 Versions US bridées à 171 ch (net).
1971 mars Série 3 : V12, roadster et 2+2 seulement, les deux sur empattement 2+2.
Caractéristiques :
Période/Production 1961-1971 / 57 253 ex
Construction Monocoque acier, berceau tubulaire avant
Moteur 6-cylindres fonte, culasse alliage, 3 781/4 235 cm3, 2 ACT, 3 carburateurs SU ou 2 Stromberg
Puissance maxi de 246 ch à 5 500 tr/mn (S2 US) à 265 ch à 5 400 tr/mn
Couple maxi de 36 mkg à 4 000 tr/mn à 39 mkg à 4 000 tr/mn
Transmission manuelle 4 rapports ou automatique 3 rapports (2+2 seulement), propulsion
Suspension ind., av. par doubles triangles, barres de torsions, am. télescopiques ; ar triangles inf., barres de poussée, doubles combinés ressorts/amortisseurs ; barres antiroulis av/ar
Direction à crémaillère
Freins disques
Lxlxh 4 450-4 693 x 1 650 x 1 194-1 283 mm
Empattement 2 438-2 667 mm
Poids 1 197-1 422 kg
0-100 km/h 8,9-6,9 s Vitesse maxi 220-240 km/h
Prix neuve 42 120-51 360 francs (roadster-coupé 2+2, 1970)
Notre verdict :
Une bonne Jaguar Type E est fantastique à regarder et très plaisante à conduire, et elle n’est pas nécessairement chère à entretenir. Mieux vaut acheter un bon exemplaire que dépenser une fortune sur une mauvaise voiture à refaire. Toutes les versions sont satisfaisantes, alors adaptez le modèle recherché à votre budget.
Les plus
Forme superbe et utilisation facile. Pièces disponibles, nombreux spécialistes, vaste choix de modèles.
Les moins
A éviter si vous n’aimez pas être le centre de l’attention partout où vous allez.