
La Lincoln Continental, avec ses portes opposées, constituait un changement radical par rapport aux ailerons et aux excès des années 50. Elle est aujourd’hui parfaitement dans son élément au cœur de l’architecture moderniste de Palm Springs.
Par rapport à Los Angeles, avec ses blocs de bâtiments beiges qui se suivent et se se ressemblent, ses restaurants identiques avec leurs menus identiques, et ses immenses voies rapides constamment embouteillées, Palm Springs est une véritable bouffée d’air frais. Les feux de circulation se balancent paresseusement au-dessus de rues quasi désertes et de hauts palmiers se détachent sur le ciel bleu azur, leur ombre se projetant sur le capot pendant que nous roulons paisiblement dans la rue principale.
Nous arrivons rapidement à destination, ou plutôt au début de notre tour de la ville : un ensemble de bâtiments industriels à volets coulissants rouges qui pourraient se situer n’importe où au monde. Celui de Chris Menrad est ouvert et, quand nos yeux commencent à s’habituer à la pénombre, une collection modeste mais magnifiquement soignée apparaît petit à petit, composée de classiques américaines. Ancien étudiant en design, Menrad a du goût et, parmi les Plymouth et Cadillac se trouve une Rover P6 britannique, un peu esseulée ; mais c’est pour la Lincoln Continental 1962 que nous sommes ici.
Il est rare qu’un dessin en apparence aussi conservateur ait été en réalité aussi révolutionnaire. Dans un paysage d’ailerons extravagants, de feux arrière dignes de la conquête de l’espace, et de serveuses en patins à roulette servant des frites dans les cinémas drive-in, la sobre Continental se détachait du lot. Étude moderniste constituée de lignes claires et de surfaces planes, elle ne devait pas grand-chose à l’extravagance des années 50 et reflétait plutôt le minimalisme de la nouvelle décennie, tout en réussissant à paraître élégante et svelte malgré ses quelque 5,40 m de long. Voir une telle automobile se mettre en branle n’est pas quelque chose que l’on oublie de sitôt ; c’est un peu comme apercevoir pour la première fois un Airbus A380 décoller, à la fois gracieux et incongru, parvenant étrangement à se maintenir dans les airs.
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