Daimler DE36 « Green Goddess »

Cris et chuchotements

© Classic & Sports Car / John Bradshaw

Cette Green Goddess est un colosse, même parmi les Daimler, et une vraie rareté. Malgré ses qualités, elle n’a jamais vraiment trouvé son public.

  • © Classic & Sports Car / John Bradshaw
Acheter ce numéro

Les fabuleuses dimensions de cette Daimler monumentale attireront toujours les foules mais rarement, je le crains, les acheteurs. Après tout, que faire d’un cabriolet de presque 6 m de long, 1,90 m de large, pesant 2 700 kg et souffrant de 15 m de diamètre de braquage ?

Fruits d’une affirmation d’optimisme déplacé de la part d’une vieille marque anglaise essayant de trouver sa voie dans le monde d’après-guerre, les sept DE36 Green Goddess à moteur 8-cylindres en ligne invitent à la comparaison avec la Bugatti Royale, autre manifestation de démesure vouée à l’échec. On ne connaît que cinq survivantes et celle-ci, n°51724, est la deuxième produite.

La première « Drophead Coupé » Hooper, la vraie Green Goddess, a apporté à Daimler toute la publicité dont le constructeur pouvait rêver, sa robe turquoise entraînant la célèbre appellation. La presse britannique l’a surnommée « Chariot to the Sun » [« Vaisseau du soleil »], parfaite monture pour oublier les privations de l’Angleterre d’après-guerre et prendre la direction de contrées plus riantes. Cela dit, vous ne seriez pas allé bien loin avec vos 45 litres mensuels d’essence rationnée dans ce monstre consommant 23 l/100 km.

Mais en tant que voiture statutaire pour ceux qui en avaient les moyens, tels que des idoles comme Stewart Granger ou Diana Dors (connue pour rouler en Delahaye Saoutchik), elle était sans doute imbattable. Toutefois, le lien le plus étroit que connaîtra la grosse Daimler avec le grand écran a été une brève apparition en 1953 dans le film de Norman Wisdom, Le roi de la pagaille.

A 7 001 £ (environ 280 000 € actuels), le prototype fabriqué pour Sir Bernard Docker, président de Daimler, était la voiture la plus chère du Salon de Londres 1948 et probablement aussi la plus chère du monde.

Pourtant le châssis Daimler, avec son pont hypoïde, sa suspension avant indépendante et ses freins hydro-mécaniques Girling à tambours, ne comptait que pour 29% du coût. Le reste était divisé de façon égale entre la facture de Hooper pour la carrosserie et la taxe gouvernementale sur les produits de luxe.

Elle affichait les dimensions et l’empattement les plus importants des voitures européennes. Les sièges arrière pouvaient se surélever pour que les occupants jouissent d’une vue dominante au-dessus des passagers avant, ou se replier pour augmenter le volume de bagages, ce qui transformait la voiture en ce que les correspondants de presse appelaient, sans ironie, un « roadster trois places ».

Pour un constructeur conservateur connu pour ses limousines royales, cette voiture constituait un changement d’orientation choquant. Le fait qu’elle ait été équipée d’un 8-cylindres en ligne (le dernier produit en Angleterre) de 5,4 litres semble presque anecdotique, même si ses 150 ch n’ont pas été de trop pour propulser les presque trois tonnes jusqu’aux 145 km/h annoncés. Le premier 8-cylindres en ligne Daimler remontait à 1933, mais celui-ci avait une culasse détachable, plus facile à entretenir.

[…]

Acheter ce numéro