
Rares sont les carrossiers qui se sont risqués à réinterpréter les courbes fluides des Jaguar. Pourtant, Pietro Frua a réussi à transformer la Type S en un attrayant coupé de luxe.
Les tentatives italiennes pour revisiter les dessins des Jaguar de William Lyons ont été souvent malheureuses. Les lignes puissantes, sensuelles et galbées du patron de Jaguar lui étaient tellement personnelles et ont rencontré un tel succès auprès du public, que le recours à une maison italienne en vogue aurait été une grave erreur. Des constructeurs comme BMC ou Triumph avaient peut-être besoin des talents transalpins, mais pas Jaguar tant que Lyons était aux commandes.
Même Pininfarina n’a pas réussi à exploiter l’élégance des dessins de Coventry, ne faisant qu’ajouter de la lourdeur et des chromes sur les modèles créés pour des clients souhaitant quelque chose de « différent ». Lyons avait déjà 65 ans quand la Type S à carrosserie Frua est apparue au Salon de Genève 1966. C’était deux ans avant l’XJ6, une de ses plus belles créations qui allait balayer l’idée que les berlines Jaguar, issues de la 2,4 litres des années 50, montraient une ligne dépassée. Mais avant cela, rien n’empêchait les clients aisés comme Signor Francesco Respino de commander une création spéciale sur base Jaguar à l’un des ateliers de carrosserie qui proliféraient à Turin.
A 53 ans, Pietro Frua était au sommet d’une carrière qu’il avait commencée dans les années 30 comme styliste indépendant pour d’autres carrossiers, avant d’ouvrir son propre atelier. Au milieu des années 60, il employait près de 20 personnes dans ses studios de Moncalieri, à Turin, et son nom était attaché à Maserati comme celui de Pininfarina à Ferrari. Mais si Pininfarina, qui était alors une véritable entreprise industrielle, n’était plus intéressé par la réalisation de commandes particulières, Frua disposait d’une structure suffisamment petite et souple pour répondre à de telles demandes d’individus dont le seul objectif était de se différencier du constructeur concerné.
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