
La Pegaso Z-102 a été lancée pour concurrencer Ferrari, mais elle a essuyé un cuisant échec. Pourtant, elle représente plus qu’une simple prétendante à la couronne.
Enzo Ferrari a été indirectement à l’origine de plusieurs voitures spectaculaires. Sans les désaccords rencontrés avec le Commendatore, des marques comme Monteverdi, ATS et Lamborghini n’auraient jamais vu le jour. Mais la plus surprenante est la Pegaso, une merveille technique produite dans l’ancienne usine Hispano-Suiza de La Sagrera, à Barcelone, et qui a enthousiasmé la presse quand elle a été dévoilée au Salon de Paris 1951. Elle devait son existence au fier Wifredo Ricart qui, quand il était de 1936 à 1945 directeur du design chez Alfa Romeo, s’est heurté à la personnalité de Ferrari.
Ses nombreux projets au Portello, depuis la monoplace Tipo 512 Grand Prix inspirée des Auto Union, jusqu’à un moteur d’avion 28-cylindres 50 litres, n’ont pas dépassé le stade du prototype. Comme l’a révélé Enzo dans son autobiographie, lui et Ricart avaient des philosophies différentes et quand l’ingénieur espagnol est rentré chez lui pour prendre les reines d’ENASA, la nouvelle entreprise automobile nationale, il a souhaité marquer de son sceau le monde automobile en créant la meilleure voiture de sport qui soit. Il a engagé Ettore Pagani, son dessinateur en chef chez Alfa Romeo, ainsi que d’autres employés importants, en leur faisant sans doute miroiter son projet de GT.
Ricart a commencé par choisir un site où concevoir et produire la machine de ses rêves. L’usine a été équipée de l’outillage le plus moderne, Ricart affirmant que ses jeunes apprentis devaient se former sur ce qu’il y avait de meilleur. Il a ensuite proposé à Franco son plan de lancement d’une voiture de sport capable de rivaliser avec les autres pays, en particulier l’Italie où son ancien adversaire préparait une nouvelle voiture de tourisme à moteur V12. Sous tous ses aspects, la voiture de Ricart se voulait plus avancée et plus sophistiquée que celle de Maranello. Cette ambition aveugle allait toutefois sonner le glas du projet, arrêté en 1956 après une production de 86 voitures. Trop complexes et, comme il était à prévoir, trop délicates, ces machines exclusives ont acquis depuis un statut presque mythique dans l’histoire de l’automobile. Mais pendant que Ferrari devenait le symbole des meilleures performances sur route et sur circuit, le nom de l’ingénieur espagnol est tombé dans l’oubli. Assister à la chute de Ricart n’a pas suffi à Enzo Ferrari et, dans son livre, ses critiques sont moqueuses et méprisantes.
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