Ford Zephyr – Humber Super Snipe – Vauxhall Cresta – Wolseley 6/80 – Austin A90

Entre rationnement et rock 'n' roll

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Ces berlines typiquement britanniques sont le reflet du renouveau d’après-guerre. Elles symbolisent le passage délicat entre l’époque du rationnement et celle du rock ‘n’ roll.

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Alors que la guerre était encore dans les mémoires et qu’au bout de 14 ans le rationnement venait juste de s’arrêter, les voitures de ces pages faisaient partie de celles dont rêvaient les acheteurs des années 50. Avec un moteur 6-cylindres, un style « ponton » et un équipement complet auquel les automobilistes n’étaient pas habitués.

Elles nous semblent aujourd’hui complètement démodées, mais pour pouvoir s’offrir une Ford Zephyr, Vauxhall Cresta, Austin A90 ou Wolseley 6/80 neuve, il fallait à l’époque disposer d’une réelle aisance financière.

Les teddy boys et séducteurs du début des années 50 rêvaient peut-être d’utiliser pour leurs conquêtes la banquette confortable de ces berlines statutaires, de profiter de leur chauffage et de la radio (en option), mais il était difficile d’en acheter une à moins d’être directeur de banque, expert-comptable ou patron de sa propre entreprise. Être un professionnel établi, loin du temps des flirts.

Plus chère encore, une Humber Super Snipe vous hissait presque au niveau de grand patron. Ce mastodonte de 4 litres était le type de voiture utilisable aussi bien avec un chauffeur que tout seul et, par conséquent, elle déséquilibre un peu notre ensemble. Mais la Super Snipe défend ici les couleurs du groupe Rootes et nous évite de supporter les misères de sa sœur, la Hawk 4-cylindres, car aucune grosse berline anglaise digne de ce nom ne pouvait accepter moins qu’un 6-cylindres. La Super Snipe établit aussi un lien avec les énormes berlines d’avant-guerre et met en valeur les qualités des voitures de nouvelle génération, plus légères, à carrosserie monocoque et moteur plus nerveux, représentées par les A90, Zephyr et Cresta.

Il n’est guère surprenant que la Ford et la Vauxhall soient ici celles qui ont remporté le plus de succès, car à la base elles sont américaines — ou au moins créées en appliquant les principes américains de solidité, simplicité et souci de répondre aux souhaits des utilisateurs. Elles étaient le produit d’énormes multinationales qui avaient les moyens de lancer des études de marché et de concevoir des voitures capables de convenir à la majorité des consommateurs. Des machines faciles et agréables à conduire, solides et simples à entretenir (il fallait aussi prendre en compte les ventes dans l’empire colonial…), avec une allure qui était moderne sans choquer les goûts britanniques de l’époque.

Ces voitures étaient de suffisamment grande taille pour impressionner, mais sans paraître déplacées sur les routes anglaises. Suffisamment performantes et luxueuses pour que leur propriétaire ait l’impression d’en avoir pour son argent, mais sans particularité technique remarquable qui risquait d’en faire des voitures de connaisseurs ; même si des caractéristiques comme des soupapes en tête ou une suspension avant indépendante ne s’étaient pas encore imposées partout.

De son côté, la Wolseley 6/80 est plus conservatrice ; elle présente un attrait qui lui est propre et s’adresse aux automobilistes encore attachés aux valeurs d’avant-guerre tout en souhaitant une berline qui en impose par son statut social.

Alors déchirez votre carnet de rationnement et achetez une dizaine de litres de mauvaise essence pour explorer le monde perdu des berlines anglaises d’après-guerre.

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