Citroën DS 19

La troisième survivante

© Classic & Sports Car / Olgun Kordal

Superbe dans sa teinte verte d’époque, la troisième plus ancienne DS connue vient de sortir de 17 ans de restauration.

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Comment est-il possible que la Citroën DS 19 d’Emanuele Filippini soit la troisième DS plus ancienne connue ? Comment une voiture produite le 3 février 1956, plusieurs mois après le lancement du modèle, peut-elle avoir un numéro de série aussi ancien que 359 ? Pour vous guider vers une explication, voici quelques chiffres.

En 1956, année qui a suivi la présentation de la DS au Salon de Paris 1955, seuls 10 859 exemplaires ont quitté l’usine du quai de Javel. Sur la même période, Citroën a produit 25 182 Traction. Bien que dépassée, cette dernière sortait à un rythme 2,5 fois plus élevé que la voiture la plus avant-gardiste du monde. Cette lenteur de la production à monter en régime tient aux débuts particulièrement difficiles qu’a connu la DS.

Difficile est d’ailleurs un euphémisme. Les premières années de la DS ont été une catastrophe industrielle que n’égale aucun autre lancement automobile. Par comparaison, régler les multiples problèmes de jeunesse de la Mini a été une promenade de santé. Voilà pourquoi Citroën n’a réussi à produire que 69 DS 19 en 1955, et pourquoi il a fallu attendre 1959 pour que la production combinée des DS et ID dépasse celle de la Traction à son apogée, en 1953. Et voilà aussi pourquoi, lors du rassemblement du centenaire Citroën en 2019, j’ai eu du mal à trouver une DS très ancienne… jusqu’à ce que je croise celle de Filippini.

Cette genèse mouvementée mérite quelques éclaircissements. Malgré au moins cinq ans de gestation, la mise au point de la DS n’était pas terminée lors de sa présentation. Ce n’est qu’en septembre 1955 que sont sorties les premières carrosseries aux spécifications définitives, ce qui a permis d’assembler un groupe de 30 voitures. Les ingénieurs connaissaient les éléments de la voiture pour lesquels ils étaient compétents, mais à cause du culte du secret propre au constructeur, rares étaient ceux qui maîtrisaient l’ensemble. Le réseau de vente n’était au courant de rien et n’avait pas été formé pour entretenir ou réparer la voiture : quand la commercialisation a commencé, les agents Citroën ont souvent refusé de s’occuper des voitures en panne, qui étaient renvoyées à l’usine ou qui attendaient le passage du Super Contrôle, l’équipe de réparateurs officiels.

Comme on pouvait s’y attendre, le système hydraulique était à l’origine de nombreux problèmes, avec des fuites un peu partout. La liaison entre le levier de vitesses et le sélecteur hydraulique cassait. L’embrayage broutait. Dans le moteur, la distribution se détériorait. Les carburateurs fabriqués en Italie était incompatibles avec le carburant vendu en France. La pompe basse pression chauffait tellement qu’elle faisait bouillir le liquide de refroidissement. Les rotules de direction se fissuraient. Le réservoir souffrait d’une différence de pression interne et externe. Certains problèmes étaient simples, mais vexants : la porte passager ne comportait pas de serrure extérieure et, si la voiture était garée près d’un trottoir haut côté porte conducteur, quand la suspension s’affaissait, il devenait impossible d’ouvrir la porte bloquée par le trottoir, et donc d’entrer dans la voiture.

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