
A la fin des années 60, les berlines haut de gamme Triumph et Rover étaient directement concurrentes, mais il a fallu attendre la décennie suivante pour qu’apparaissent les versions plus sportives.
Une pluie violente vient de tomber, mais le soleil pointe à nouveau ses rayons. Pourtant, le calme apparent ne va pas tarder à être à nouveau troublé par l’arrivée de deux berlines faisant partie des plus séduisantes des années 70 : les versions sportives des excellents modèles proposés par les marques concurrentes Rover et Triumph.
Vous les entendez avant de les voir : d’abord le chant du 6-cylindres de la 2.5 PI, le meilleur de la gamme de Canley ; puis celui de la P6 3500 S, avec une note plus basse provenant de son V8 Rover. Bien loin de celles dont elles sont issues, à vocation plus terre-à-terre, elles offrent une combinaison de performances, tenue de route et confort qui n’avait guère d’égale avant l’arrivée de la Jaguar XJ6, et elles sont tout aussi adaptées au conducteur sportif actuel qu’aux directeurs de banques, médecins et pilotes illustrant les catalogues des années 70.
L’ombre d’un bombardier Avro Vulcan semble un lieu fort à propos pour cette rencontre. En plus d’avoir changé le cours de la guerre des Malouines, cet avion représente un énorme progrès technique par rapport à ses prédécesseurs, ce qui a permis à sa carrière de se prolonger bien après sa retraite annoncée. Exactement comme les voitures garées sous ses ailes.
Seulement 11 ans séparent le Vulcan à réaction de l’Avro Lancaster à moteurs à pistons, et un progrès technique de même nature a marqué en 1963 l’arrivée de la Rover P6 : elle a fait passer la réputation de la marque de l’image sérieuse et un peu rigide de la P4 à quelque chose de plus moderne et imaginatif. Cela ne signifie pas que le constructeur avait jusque là reculé devant l’innovation : les acteurs du projet P6 n’étaient autres que Spen King, Peter Wilks et Gordon Bashford, dirigés par les frères Wilks, Maurice et Spencer : les noms liés à la création de la légendaire Land Rover en 1948.
Certaines des idées initiales des ingénieurs ont dû être canalisées, car leurs tables à dessin s’étaient laissées aller jusqu’aux turbines ou aux suspensions hydropneumatiques. La conception finale n’en était pas moins avant-gardiste : la carrosserie était composée d’une structure sur laquelle les panneaux de carrosserie étaient boulonnés, alors que la suspension avant ne répondait à rien de ce qui existait sur les berlines anglaises de grande diffusion : des triangles transversaux reliés à des ressorts horizontaux fixés à l’auvent. L’arrière n’était pas moins complexe, avec un essieu De Dion coulissant, des arbres de transmission à longueur fixe et des barres de Watt.
Le style se différenciait lui aussi du passé, même s’il se montrait plus retenu que sur les premières maquettes en argile de David Bache. L’avant rappelait la Citroën DS, avec un capot plongeant et un pare-chocs en deux parties, et un pavillon profilé conservé sur le modèle de série. Quand le dessin final a été approuvé, l’avant avait été refait avec une calandre rectangulaire plus conventionnelle et quatre phares, mais la ligne de caisse s’incurvait vers le bas à l’avant et à l’arrière, comme si la voiture était un peu boursouflée au niveau des portes.
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