Bricklin SV-1 – De Lorean DMC-12

Les ailes d'Icare

© Classic & Sports Car / Will Williams

Les similitudes entre la De Lorean et la Bricklin ne sont pas qu’esthétiques : leur histoire montre les même errements, aucune des deux n’ayant tenu ses promesses avant-gardistes.

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Il fait gris et les rares passants marchent vite, col remonté et yeux rivés au sol. Même les bâtiments sont froids, se profilant au-dessus de nous entre menace et indifférence. Soudain, quelque chose trouble cet ordinaire : le grondement d’un V8 Ford Windsor et le bruit syncopé d’un V6 PRV résonnent sur les balcons de ciment des bureaux de Milton Keynes. Les passants s’arrêtent, levant les yeux pour comprendre d’où provient ce raffut. Du même coup, l’aspect morne de la journée semble s’évaporer dans une mer de sourires, de regards interdits et de téléphones brandis et, dès que la De Lorean et la Bricklin s’arrêtent, une foule les entoure, vibrant d’un enthousiasme qu’il est difficile d’imaginer pour toute autre voiture. La De Lorean, bien sûr, tient la vedette : grâce au film Retour vers le futur, même ceux qui ne montrent guère d’intérêt la reconnaissent instantanément. Jeune ou vieux, pas besoin de regarder la marque, les ailes papillon et la carrosserie en acier inoxydable constituent des caractéristiques que l’on n’oublie pas.

La Bricklin est différente mais, si la De Lorean n’était pas garée à côté, vous pourriez presque confondre le coupé blanc réfrigérateur avec la star du grand écran. Si la De Lorean n’a pas besoin d’être présentée, la SV-1 le réclame car elle est extrêmement rare, tant en Europe qu’aux États-Unis, son pays de naissance. C’est une vraie curiosité et, si les similarités extérieures avec la De Lorean sont clairement visibles, l’histoire de sa conception et de sa création rappelle elle aussi les errements de celle de la native de Belfast.

Milton Keynes est un lieu qui correspond bien à de telles machines. « Nouvelle ville » anglaise, elle n’a été imaginée et bâtie que pour répondre aux besoins d’une Angleterre moderne, en réponse à la surpopulation et la mauvaise gestion qui minaient la capitale. Son plan de rues à angle droit et ses larges boulevards plantés d’arbre correspondent à un rêve utopique né dans une Europe encore sous le choc de la guerre. Bien sûr, le rêve était plus flatteur que la réalité et, malgré ses ambitions, la ville de Milton Keynes est restée un indémodable sujet de plaisanterie, par des gens qui n’y avaient sans doute jamais mis les pieds.

A propos de visions utopiques du futur, rares sont les voitures ayant montré autant d’ambition et manqué d’aussi loin leur objectif que ces deux coupés avant-gardistes. Obsédé par la sécurité, Malcolm Bricklin cherchait avec sa machine à prouver que le bien-être des occupants était un argument commercial ; que la capacité à protéger conducteur et passager en cas d’accident était aussi attractive que des chiffres de performances. Le rêve de De Lorean est né sur le même thème : créer une voiture de sport sûre, fabriquée pour durer, avec un dessin intemporel et des matériaux qui pourraient défier l’obsolescence programmée et la culture du remplacement permanent.

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