Bentley Derby

Une vie de voyages

© Classic & Sports Car / Luc Lacey

Malgré sa teinte clinquante, ou peut-être grâce à elle, cette célèbre Bentley Derby a connu une existence bien remplie, ne cessant de voyager sans jamais sortir de la lumière des projecteurs.

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Pour une voiture, la teinte or ne fait pas l’unanimité. Bien que fantastique sur une Ferrari classique ou une Lamborghini Miura, elle est souvent considérée comme ostentatoire. Ainsi, une Bentley couleur or, c’est aussi ouvertement provoquant que la haute couture Versace ou une Rolex Zenith. Mais pour moi, il existe une exception à la règle, celle du célèbre exemplaire de ces pages.

Surnommée Honeysuckle [Chèvrefeuille] à cause de sa couleur choisie en 1939 par un célèbre créateur de mode britannique, cette Derby 41/4 litres n’est pas une voiture de salon. Elle a fait plusieurs fois le tour du compteur, principalement entre les mains d’un amoureux de la marque, connu et respecté.

Aucune saison ne convient mieux que l’automne à la teinte de Honeysuckle et, même par une matinée maussade, elle brille comme un ginkgo biloba dans un bois ombragé. Certains carrossiers européens comme Vanvooren et Vesters & Neirinck ont signé des dessins plus exotiques sur la base de la Bentley Derby, mais pour moi la carrosserie Sports Tourer Vanden Plas montée sur ce châssis B154MR est la plus désirable. Capote baissée, le pare-brise bas et le pare-chocs arrière prolongé donnent à ce dessin anglais classique une indéniable présence, rehaussée par sa teinte inhabituelle. Le soir, avec ses cinq feux perçant la pénombre accompagnés du frémissement de son 6-cylindres, elle n’a pas dû passer inaperçue dans les quartiers chics de la capitale britannique.

La dernière version des Bentley Derby, ou « Bentley Rolls » comme on appelle aussi ces voitures produites dans l’usine Rolls de Derby après le rachat de la marque, était la meilleure grâce au moteur plus gros, de 4 527 cm3, à la boîte améliorée et à la direction Marles. Six tourers Vanden Plas ont été proposés sur les derniers châssis MR et MX avec l’option overdrive, tous présentés au Salon de Londres de 1938 et dotés d’un nouvelle mascotte de Flying B, plus élancée.

Les routes que nous avons choisies pour notre essai sont désertes et, une fois derrière le grand volant à trois branches, je laisse mon imagination m’emporter 80 ans en arrière, vers la dernière année de paix ayant précédé la guerre. Extrêmement plaisante à conduire, une Derby bien entretenue offre un raffinement valant largement ses concurrentes. Les commandes présentaient une qualité Rolls que même WO Bentley préférait aux modèles précédents. La direction à cames et galet est douce et le levier de vitesses très facile à manœuvrer. D’ailleurs, le couple généreux du 6-cylindres culbuté de 125 ch permet d’espacer les changements, comme l’ont souligné les essayeurs des magazines d’avant-guerre. Le confort, même sur ses petites jantes de 17 pouces, est superbe, grâce aux amortisseurs hydrauliques Royce et, bien que cette voiture de 1 500 kg n’ait jamais eu de prétentions sportives, elle se comporte de façon impressionnante une fois que vous êtes bien en phase avec la direction légère et directe. Il est facile de comprendre pourquoi des légendes de la vitesse comme Malcolm Campbell, George Eyston, le Prince Bira et Raymond Mays aient adopté ce modèle pour leurs déplacements.

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