Deuxième chance

Aston Martin DB7 - Maserati 3200 GT - BMW 850 CSi - Ferrari 456 GTA

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Elles ont fait partie des GT les plus chères de leur époque, mais offrent aujourd’hui un rapport qualité/prix difficile à égaler. Ross Alkureishi vous indique comment vivre au rythme de la jet-set sans faire exploser votre budget.

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Les titres des magazines étant dominés dans les années 1980 par les GTI et les supercars, l’on pourrait croire que le monde des GT s’est arrêté avec les Daytona, Ghibli et autres du même style. Pourtant, dans ce secteur exigeant, les plus grandes marques ont continué à se concurrencer en visant la même clientèle : les individus les plus aisés souhaitant une voiture capable de couvrir de longues distances à vitesse élevée, dans un luxe discret et raffiné. Les limousines étant trop voyantes et les berlines haut de gamme trop banales, il fallait que ce soit un coupé. Mais lequel ?

Dans les années 1980, Aston Martin et Maserati étaient en roue libre en terme de prestige, Ferrari se concentrait sur les machines à moteur central et les voitures allemandes faisaient nouveau riche. Heureusement, les années 1990 ont vu arriver une nouvelle vague de GT vraiment dignes de ce nom.

Aujourd’hui, que vous disposiez de 15 000 ou 100 000 €, que vos goûts vous portent vers l’Italie, l’Allemagne ou l’Angleterre, notre sélection de machines de Grand Tourisme constitue une tentation à laquelle il est difficile de résister. Dessins élégants, performances élevées et confort de haut niveau, tout cela pour une fraction du prix catalogue. Que la meilleure gagne…

Aston Martin DB7
Prix neuve : 737 000 francs (1995)
Cote actuelle : 25-45 000 €

Période/Production 1993-1999 / 2 449 ex. Moteur 6-cylindres alliage, 3 236 cm3, 2 ACT, compresseur ; 335 ch à 5 500 tr/mn ; 49,8 mkg à 3 000 tr/mn Transmission automatique 4 rapports, propulsion Suspension ind., triangles, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis, am. télescopiques ; ar. jambes de force longitudinales Direction à crémaillère, assistance Freins disques ventilés Poids 1 725 kg 0-100 km/h 5,8 s Vitesse maxi 265 km/h

© Classic & Sports Car / Tony Baker

La DB7 a fait son temps dans le terrain vague des « Aston d’occasion » et les prix sont à la hausse. Ce renversement se serait produit même sans le dessin harmonieux de Ian Callum, mais si vous en tenez compte, alors…

Après la brutalité visuelle des années V8, le constructeur s’est tourné vers la glorieuse époque des DB des années 1950 et 1960. En 1994, Motor Sport écrivait : « Rares sont les voitures capables de battre l’Aston dans un concours de beauté. » C’est encore vrai aujourd’hui. La Maserati 3200 est arrivée cinq ans après, la DB7 étant la première des voitures du renouveau : elle a sauvé la marque et l’a propulsée dans le nouveau millénaire, tout en balayant les soucis financiers des années précédentes.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Aujourd’hui, ce modèle fascine encore. A l’avant, les courbes douces évoquent les Superleggera et même si l’arrière (avec ses feux de Mazda 323 F) est moins abouti, le superbe dessin de l’ensemble fait tout pardonner.

L’habitacle reçoit les traditionnels ronce de noyer, cuir Connolly et moquette Wilton : exactement ce qu’attendait l’acheteur d’une voiture de plus de 700 000 francs. Les soubassements de Jaguar XJS sont l’assurance d’un vrai confort, avec une impression plus douillette que claustrophobe.

Démarrer le moteur ne provoque pas de scène aussi théâtrale que les deux italiennes, mais le 3,2 litres Tom Walkinshaw Racing est un autre clin d’œil aux anciennes DB. Les vrais gentlemen utilisent un six-cylindres en ligne, même s’il est ici doté d’un compresseur Eaton M90.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

C’est lui qui assure une réactivité instantanée à l’accélérateur. Le couple arrive de façon progressive et, avec le sifflement du compresseur, le bruit n’est jamais envahissant mais plutôt gratifiant lorsqu’il atteint 5 500 tr/mn, régime de puissance maxi. La direction n’est pas trop assistée et les freins de bon aloi. La boîte automatique quatre-rapports est fluide mais écorne un peu l’image sportive de la voiture, de même qu’un comportement généralement accommodant sur routes secondaires, pour autant que l’on ne recherche pas une conduite sportive. En ligne droite, c’est une grande routière magnifiquement reposante.

Lorsqu’elle laisse place en 1999 à la Vantage V12, la DB7 est l’Aston la plus vendue de l’histoire. Le modèle suivant lui ravira ce titre, ce qui signifie que la version six-cylindres est maintenant plus rare (et moins chère à entretenir). Elle offre un excellent niveau de prix pour entrer dans le monde Aston, ce qui n’existe plus chez Ferrari. Elle réclame certes des soins et des dépenses correspondant à la marque, mais chaque fois que vous la regarderez vous saurez exactement pourquoi vous l’avez achetée.

A surveiller :
• Les fixations de jambes de force et les points de crics arrière sont sujets à la rouille.
• Il est rare que le système d’évaporateur de la climatisation soit hors d’usage, mais il est cher à réparer car il faut déposer tout le tableau de bord (autour de 3 500 €).
• Il arrive que le cuir de tableau de bord se rétracte. Un bon sellier sera capable d’y remédier, mais l’opération peut coûter plus de 2 000 €.

Maserati 3200 GT
Prix neuve : 532 000 francs (1999)
Cote actuelle : 20-30 000 €

Période/Production 1998-2001 / 4 795 ex. Moteur V8 alliage, 3 217 cm3, 2 ACT par banc, 2 turbos ; 370 ch à 6 250 tr/mn ; 50 mkg à 4 500 tr/mn Transmission automatique 4 rapports, propulsion Suspension ind., doubles triangles, ressorts hélicoïdaux, barres antiroulis, am. adaptatifs Direction à crémaillère, assistance Freins disques ventilés Poids 1 620 kg 0-100 km/h 5,5 s Vitesse maxi 270 km/h

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Sauvage. C’est le mot qui correspond le mieux à la 3200 GT, au moins en mode Sport. Si vous le désengagez elle devient, disons, légèrement moins sauvage. Ce n’est pas un défaut et correspond parfaitement à mes goûts, mais si vous montez dans cette voiture après la DB7, vous pourriez penser que le monde des GT a été piqué par un frelon. Ce n’est d’ailleurs pas complètement faux, car cette voiture est un vrai fauve, idéal pour relancer une marque au bord de l’asphyxie. Le rachat par Fiat en 1993 de la part majoritaire de De Tomaso signifiait que Maserati passait sous le contrôle du géant turinois. Soudainement, des flots de liquidité se déversaient pour relancer la marque. Ironiquement, c’est à Ferrari, le rival de toujours, que revenait la responsabilité de cette mission : de quoi faire se retourner dans leur tombe les frères Maserati.

La robe de la nouvelle prétendante, dessinée par Italdesign, lui donnait une présence séduisante. Les phares sous globe rappelaient la DB7 mais, avec sa ligne plongeante, ses ailes arrière prononcées et son arrière tronqué, elle affichait une silhouette plus agressive.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Malgré une apparence compacte (elle est plus courte de 10 cm que ses rivales), elle partage avec la 456 l’habitacle le plus utilisable, pouvant accueillir à l’arrière deux adultes de taille moyenne. Sa finition est au niveau de la Ferrari, avec un cuir souple abondant et des sièges électriques offrant un excellent maintien.

Le V8 double turbo affiche d’emblée sa personnalité ; donnez un coup d’accélérateur et il monte en régime comme une éolienne par force 10. A l’accélération, il est féroce. L’accélérateur électronique demande une certaine accoutumance : c’est soit une attaque en règle, tous turbos sifflant et échappements hurlant, soit une timide caresse de la pédale.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

En trouvant le bon équilibre, vous pourrez vous délecter de performances étonnantes. Cette voiture réclame une conduite plus énergique que les trois autres et paraît plus à son aise dans un environnement sinueux. La direction pourrait fournir plus de sensations, mais si vous attaquez un virage à vitesse élevée, la voiture vous suivra fidèlement. Même avec le contrôle de traction, l’arrière n’est pas collé au sol et vous prévient quand vous approchez la limite.

La transmission automatique n’étouffe guère les performances et enchaîne les rapports sans à-coups. Alors que la conduite vous échauffe les sens, la suspension est raisonnablement confortable et les énormes étriers Brembo largement à la hauteur.

Les 3200 ultérieures ont reçu un accélérateur plus progressif, mais la version originale délivre un punch jubilatoire. Si vous appréciez son caractère explosif, alors c’est la voiture qu’il vous faut : 25 000 € pour un bon exemplaire, c’est presque criminel.

A surveiller :
• Les capteurs situés dans les corps de papillon peuvent s’user, ce qui provoque des problèmes de gestion moteur. Le remplacement par des pièces d’origine coûte plus de 2 500 €, mais une remise en état peut être réalisée pour environ 500 €.
• Les triangles peuvent se craqueler. Prévoyez 1 000 € pour chacun des 8 bras de suspension.
• Les rotules inférieures avant sont un point faible. Leur remplacement coûte 1 000 € par côté.

BMW 850 CSi
Prix neuve : 745 500 francs (1992)
Cote actuelle : 10-40 000 €

Période/Production 1992-1995 / 1 510 ex. Moteur V12 alliage, 5 576 cm3, 1 ACT par banc ; 372 ch à 5 300 tr/mn ; 55,5 mkg à 4 000 tr/mn Transmission manuelle 6 rapports, propulsion Suspension ind., av jambes MacPherson, ar multibras ; ressorts hélicoïdaux, barres antiroulis, am. télescopiques Direction à billes, assistance Freins disques Poids 1 975 kg 0-100 km/h 5,9 s Vitesse maxi 250 km/h

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Dévoilée au Salon de Francfort 1989, la nouvelle BMW Série 8 affichait une silhouette acérée et complètement nouvelle, sorte de fruit des amours d’une Ferrari et d’une BMW M635 CSi. Pourtant, elle est passée de mode plus vite que le dernier iPhone. Aujourd’hui, autant cette voiture est attirante, autant sa complexité technologique inspire la crainte de disfonctionnements. Pour elle, le moteur M70 a été réalésé à 5 576 cm3 et a bénéficié d’un nombre d’améliorations suffisants pour mériter la nouvelle appellation S70.

La voiture recevait des moyeux avant renforcés, des amortisseurs plus fermes, des ressorts de suspension plus courts et une boîte Getrag six rapports manuels. Mais le clou du spectacle était le nouveau système de direction hydraulique sur les quatre roues, le train arrière directionnel permettant d’accompagner le mouvement de la voiture en virage.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

La 850 CSi présente un étonnant profil sans montant et, à part un déflecteur avant, un léger diffuseur arrière et un logo « Powered by M » sur le moteur, rien ne laisse deviner qu’elle provient du brillant département Motorsport. A l’intérieur, elle est tout aussi discrète. Hormis les badges ornant le pommeau de vitesses et le volant, ainsi que des aiguilles d’instruments rouges, tout apparaît relativement standard. Ici, « standard » signifie trois choses : techno, techno, techno. Plus sérieusement, il y a des interrupteurs partout et une étude approfondie du manuel d’utilisation s’impose pour en maîtriser l’usage.

Première engagée, appuyer sur l’accélérateur provoque une explosion de couple du V12. Avec un poids de 1 975 kg, la BMW est la moins rapide de nos quatre voitures de 0 à 100 km/h, mais seulement de 0,1 s. Même en mode Sport (réglage d’accélérateur plus agressif), l’expérience se fait tout en douceur. La disparité entre les performances brillantes et l’ambiance feutrée de l’habitacle est stupéfiante.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

La direction très démultipliée facilite les manœuvres à basse vitesse. En virage, les roues arrière directrices et le système ASC + T (Automatic Stability Control + Traction) permet à cette brute une meilleure tenue de route que ce à quoi elle devrait avoir droit ! Avec son poids important à l’avant, il lui manque l’équilibre inhérent à la Ferrari, mais vous pouvez tout de même vous amuser. L’avant décrochera graduellement, vous permettant d’utiliser l’arrière pour virer et réaccélérer.

Dommage que Munich n’ait pas développé la M8 au-delà d’un prototype de 550 ch, mais un marché difficile a condamné ce projet. Pour les connaisseurs, la 850 CSi reste bel et bien une BMW Motorsport, capable de partir à la conquête des continents. Le plus difficile sera d’en trouver un bel exemplaire.

A surveiller :
• La rouille peut s’immiscer dans les passages de roues, les bas de caisse et l’emplacement de roue de secours.
• Vérifier le bon fonctionnement du système hydraulique de contrôle des roues arrière. Certaines pièces ne sont plus disponibles et le coût de réparation peut être prohibitif.
• La voiture comporte énormément d’électronique, donc assurez-vous que toutes les commandes fonctionnent correctement.

Ferrari 456 GTA
Prix neuve : 1 300 000 francs (1993)
Cote actuelle : 40-80 000 €

Période/Production 1993-1997 / 1 936 ex. Moteur V12 alliage, 5 474 cm3, 2 ACT par banc ; 442 ch à 6 250 tr/mn ; 56 mkg à 4 500 tr/mn Transmission automatique 4 rapports, propulsion Suspension ind., triangles inégaux, ar. correcteur d’assiette ; ressorts hélicoïdaux, barres antiroulis, am. télescopiques Direction à crémaillère, assistance Freins disques ventilés Poids 1 690 kg 0-100 km/h 5,1 s Vitesse maxi 300 km/h

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Les constructeurs ont souvent cherché l’inspiration dans leurs anciens catalogues. La surprise, chez Ferrari, est qu’il a fallu attendre longtemps pour voir apparaître une véritable héritière de la Daytona, après les incursions vers le moteur central. Lancée au Salon de Paris 1992, la 456 constituait un retour à une architecture plus conventionnelle, avec V12 à l’avant et boîte transaxle.

Avec un long capot, des phares escamotables et quatre feux arrière, la comparaison avec sa devancière était plus que mécanique. A l’époque, le prix de cette voiture, le plus élevé pour la marque, représentait deux fois celui d’une Maserati. La 456 est encore aujourd’hui la plus chère de notre sélection : l’époque des beaux exemplaires à 30 000 € est malheureusement révolue.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Le dessin de Pininfarina parvient à atténuer les dimensions de la voiture, mais oserais-je dire qu’elle est un peu pataude à côté de la 3200 et de la DB7 ? Et moins imposante (en tout cas de l’arrière) que la BMW. Je peux sembler dur avec la 456, mais j’aime en parler sans artifice et cette voiture est extrêmement facile à conduire. Le V12 est tellement surdimensionné qu’en ville il dépasse à peine le régime de ralenti, avec un grondement feutré qui vous rappelle ce dont vous disposez sous le capot. La direction à assistance variable est légère, les changements de rapports presque imperceptibles et la suspension gomme avec assurance les imperfections de la chaussée.

Mais si, après avoir trouvé une route déserte, vous écrasez l’accélérateur, alors la bête se transforme. Ses 442 ch la propulsent avec une énergie qui fait sérieusement douter de son poids. En fait, elle affiche la puissance d’un cheval de trait délivrée avec l’efficacité d’un pur-sang, et elle écrase ses congénères au niveau performances.

© Classic & Sports Car / Tony Baker

D’ailleurs, à cause de ses manières impeccables, vous vous trouvez sans crier gare devant votre premier virage à une allure totalement inappropriée. Les freins viennent à votre secours et, une fois la vitesse sous contrôle, la voiture montre une excellente adhérence.

Sur notre piste d’essai, à 130 km/h le moteur tourne à 2 500 tr/mn. Il dévore les kilomètres, mais ne commence à vous faire vraiment vibrer qu’au-dessus de 5 500 tr/mn. Il peut sembler un peu lointain à basse vitesse, mais si vous rétrogradez la boîte automatique en « 3 » ou « 2 », le gros V12 manifeste alors un caractère beaucoup plus racé. Et si vous trouvez une route suffisamment longue et sans limitation de vitesse, vous profiterez des performances largement hors du commun. D’ailleurs, malgré son prix élevé, la 456 est sans doute ici le meilleur choix. Et si vous souhaitez rester discret, c’est la Ferrari qui le permet le mieux.

A surveiller :
• Un bon historique d’entretien est fondamental : vérifiez les travaux effectués, quand et par qui.
• Le système de correction d’assiette arrière peut fuir. Compter près de 1 000 € par côté pour un ensemble reconditionné, installé par un spécialiste indépendant.
• Les vitres électriques peuvent se dérégler et nécessiter un ajustement ou un remplacement du mécanisme.

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