Jaguar MkV – Bentley MkVI

Comparaison osée ?

© Classic & Sports Car / Tony Baker

Avec son audacieuse berline MkV, Jaguar est allé chatouiller des marques à la réputation bien établie, comme Bentley et sa MkVI.

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Est-il exagéré de désigner la MkV comme la Jaguar oubliée ? Peut-être pas. Ce modèle est resté au catalogue à peine plus de deux ans, la durée la plus courte pour n’importe quelle berline Jaguar. Elle n’a été produite qu’à 10 493 exemplaires, contre 26 000 unités de la gamme SS précédente et plus de 47 000 MkVII et MkIX qui l’ont remplacée.

Certes, la MkV était à la fois un chaînon manquant et un modèle de transition. Mais elle ne mérite pas cet oubli car c’est à mon avis la plus importante des berlines Jaguar, jusqu’à l’arrivée de la XJ6. Avant la MkV, les berlines Jaguar d’avant-guerre (les 1,5 litre, 2,5 litres et 3,5 litres) étaient de bonnes voitures, à un prix raisonnable. Mais avec l’apparition de cette élégante et luxueuse berline, Jaguar a changé de registre : pour la première fois, un produit de William Lyons pouvait se comparer à des voitures beaucoup plus chères.

Une des principales était la Bentley MkVI, et la comparaison était d’autant plus justifiée que ce nouveau modèle d’après-guerre avait été judicieusement simplifié pour répondre à l’évolution du marché. Pour uniformiser la production et réduire les coûts, la MkVI était la première voiture du groupe Rolls-Royce dotée d’une carrosserie standard, fabriquée par Pressed Steel. Son nouveau moteur faisait partie d’une « gamme rationalisée » de moteurs 4-, 6- ou 8-cylindres qui partageaient le plus grand nombre de pièces possible.

De plus, la Bentley constituait une réponse appropriée au climat social qui prévalait dans une Angleterre gouvernée par le Parti Travailliste. Les Rolls-Royce, avec leur image aristocratique, étaient boudées par les hommes politiques socialistes et, avec la MkVI, le constructeur a détourné l’attention vers la marque Bentley ; une version Rolls n’est arrivée que trois ans plus tard, principalement pour l’export. Placer la Jaguar dans le même panier qu’une Rolls-Royce aurait semblé trop ambitieux, mais en face d’une Bentley moins exclusive, l’exercice était beaucoup plus crédible.

Il l’était d’autant plus que la MkV représentait pour Jaguar une avancée technique significative, avec un tout nouveau châssis en croix et une suspension avant à barres de torsion inspirée de celle de la Traction Citroën. Repris (raccourci) sur les Jaguar XK, ce châssis robuste mais relativement léger, avec des freins hydrauliques (une première pour Jaguar) était conçu pour la berline sportive à 2 ACT dont rêvait William Lyons. Mais il a compris que la production du 6-cylindres XK double arbre n’allait monter en régime que progressivement et qu’il serait préférable d’en limiter l’utilisation à une petite série d’XK 120. De même, il est devenu évident qu’un long délai serait nécessaire à Pressed Steel pour pouvoir fournir la carrosserie enveloppante qu’il souhaitait pour sa « berline capable de 160 km/h ».

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