Jean Gessalin

Pionnier du plastique

© Classic & Sports Car

Chappe & Gessalin a joué un rôle important au début des carrosseries plastiques, en particulier pour Alpine, DB et CD, comme le rappelle Jean Gessalin.

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Si vous fouillez votre mémoire, vous vous rappellerez que Chappe a donné naissance à la marque CG. Mais vous ignorez sans doute le rôle joué par cette structure familiale dans la création de nombreux autres modèles de petite série. De plus, la société Chappe Frères & Gessalin, pour reprendre son nom complet, a été une des premières en France à produire de façon viable des carrosseries en fibre de verre.

Après s’être établi à St-Maur comme charron, Jean Chappe était en 1939 à la tête d’un atelier qui produisait des carrosseries utilitaires pour Delahaye. Après son décès, en 1945, l’entreprise a été reprise par ses trois fils et son gendre, qui se sont répartis les compétences. Pour Louis Chappe, c’était l’aluminium et la sellerie ; pour son frère Abel, la mécanique, la peinture et (au début) les structures bois ; enfin, Albert s’occupait des carrosseries tout en prenant progressivement la direction de l’entreprise. Le quatrième membre de l’équipe était Amédée Gessalin, qui avait épousé la fille de Jean Chappe. En 1947 son fils, né en 1933 et lui aussi appelé Jean, a rejoint l’entreprise comme apprenti avant d’en devenir plus tard directeur technique.

Au lendemain de la guerre, la société comptait 10 employés et, en plus de la fabrication de carrosseries de camions, elle effectuait des travaux de réparation et des conversions de vieilles voitures en véhicules commerciaux. Au début des années 50, des projets plus exotiques ont commencé à apparaître dans les ateliers de St-Maur : la fabrication de carrosseries pour des voitures comme la barquette Renault de Rédélé-Pons des 24 Heures du Mans 1953, une Talbot pour Charles Pozzi, futur importateur Ferrari, ou la Bosvin-Michel-Spéciale à moteur Renault 4 CV central.

Mais en réalité, la petite entreprise n’était pas au mieux de sa forme. « Seule la partie réparations marchait bien, mais s’occuper de bétaillères n’était pas très excitant, » rappelle Gessalin. « Après la commande d’un gros concessionnaire Simca pour quelques fourgonnettes, ainsi que pour quelques breaks bois sur base Simca Huit (ils avaient bonne allure !), l’activité carrosserie s’est arrêtée. »

La fibre de verre va se révéler salvatrice. Elle a fait son apparition en 1953 quand l’entreprise a été sollicitée pour fabriquer la Stera, petit roadster conçu par le journaliste automobile Jean Bernardet. « Au début, mes oncles ne connaissaient pas la fibre de verre, » rappelle Gessalin. « Comme pour de nombreuses entreprises françaises, c’était un peu une découverte. Mais j’avais vu une voiture américaine à carrosserie en polyester lors de l’Exposition de la Chimie. »

Après cet exercice, l’entreprise s’est lancée dans la production de la partie avant en plastique des racers DB Monomill. C’était un apprentissage délicat : « La résine venait des États-Unis. Elle était extrêmement chère et nous n’avions pas d’information sur l’utilisation du durcisseur, pour accélérer la polymérisation. Tous les dimanches, nous pouvions découvrir le résultat, après les accidents des courses du samedi. Lors des chocs, le nez explosait et volait en éclats, comme du verre. Ayant étudié le problème, nous avons ajouté de la résine souple. Nous avons effectué notre propre mélange, car c’était vraiment nouveau à l’époque. Les frères ont alors constaté que les couches se séparaient trop facilement, car le tissu de fibres était trop dense et que la résine ne pénétrait pas suffisamment. Ils ont mis au point un tissu moins serré, qui est resté longtemps connu comme le « tissu Chappe ».

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