Triumph TR8

Un V8 comme chant du cygne

© Classic & Sports Car / John Bradshaw

Si la Triumph TR7 a connu une croissance difficile, sa sœur à moteur V8 avait le potentiel pour redorer le blason de la marque. Trop tard, malheureusement.

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Une brève pression sur les freins, je rétrograde de quatrième en troisième avec le long levier (dans un mouvement bien décomposé plutôt que rapide) avant de réaccélérer à fond. Nous sommes lancés au milieu des bois sur une route ensoleillée, la sonorité familière du V8 d’origine Buick résonnant sur les arbres. De nouveau sur les freins, plus énergiquement cette fois, je vise la corde d’un virage serré, puis accélère à nouveau en redressant le volant. Dans cette situation, avec le vent giflant l’habitacle et le grondement du 8-cylindres encourageant à augmenter le rythme, il est difficile de comprendre comment un tel cabriolet a pu signer non seulement la fin de la dynastie TR, mais aussi l’arrêt de mort de Triumph en tant que constructeur.

Si l’on observe l’histoire des petites sportives anglaises, et en particulier de British Leyland, l’on découvre une sorte d’entraînement irrémédiable vers l’abîme… mais qui n’était peut-être pas complètement irrémédiable. Un peu comme un vieux pétrolier en train de s’échouer sur un massif rocheux, avec un capitaine hurlant des ordres différents à 10 officiers de pont courant fébrilement dans toutes les directions. Peut-être aurait-il pu en être autrement. La MGB et la Spitfire étaient clairement en bout de course, mais la moderne TR7 et l’excellente TR8 qui en était issue avaient tous les ingrédients pour être les ultimes sauveurs de la marque.

Au lendemain de la guerre, l’industrie automobile anglaise faisait tout à sa façon, avec une politique économique qui la protégeait de la concurrence étrangère et un marché export affichant une soif inextinguible de sportives britanniques. Mais les choses se sont mises à changer et, entre les années 50 et 60, le pays est passé de la deuxième à la quatrième place des pays producteurs d’automobile. Cette chute douloureuse s’est poursuivie malgré un quasi monopole sur les petites sportives bon marché, situation couronnée par le lancement de la MGB et de la Spitfire.

Les deux modèles ont rencontré un franc succès aux États-Unis, où les acheteurs entretenaient avec les petits roadsters anglais une sorte de relation d’amour/haine qui remontait aux militaires rentrés chez eux avec leurs MG Midget, appréciant les autos tout en se gaussant de « Lucas, Prince des Ténèbres ». Mais avec le temps, l’attrait des stars des années 60 a commencé à décliner en face de concurrentes étrangères comme la Datsun 240 Z, alors que leurs performances étaient progressivement grignotées par les règles sur la sécurité et la pollution. De plus, une livre forte en face d’un dollar faible contribuait à réduire les marges bénéficiaires.

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