Son talent de pilote le plaçait au même niveau que Nuvolari, mais le comte Carlo Felice Trossi ne recherchait pas forcément la gloire.
Le héros local est à la poursuite d’un héros national. Le président de la Scuderia Ferrari est sur les talons de son meilleur employé. Fidèle à lui-même, Tazio Nuvolari est efficace et brillant, mais le comte Carlo Felice Trossi (« Didi », comme le surnomment ses pairs) se déchaîne au volant. L’année précédente, en 1934, il a signé le meilleur temps aux essais de Monaco, puis le meilleur temps en course après un arrêt à la fin du premier tour pour changer de bougies. Il a aussi remporté trois courses moins importantes à Montreux, Vichy et Biella, sa ville natale, où la victoire était organisée avec un coéquipier complaisant.
Mais cette fois, de retour à Biella, c’est différent.
Selon le prince Chula, qui dirige l’écurie White Mouse de son cousin « B. Bira », Nuvolari a confirmé la haute opinion qu’a Trossi de son propre talent ; et le comte n’apprécie rien autant qu’une vraie bagarre avec Nuvolari. Bien sûr, il arrive que l’élégant aristocrate aux lèvres marquées et aux épaules tombantes, qui cache bien ses émotions, échoue à se motiver suffisamment pour exprimer tout son talent. Nuvolari porte son cœur en bandoulière ; Trossi porte à la manche une Patek Philippe de 46 mm en or (vendue aux enchères 2,25 millions de $ en 2008). Mais ce jour-là, à Biella, il en va autrement : en deux tours stupéfiants, Trossi rattrape l’autre Alfa Romeo Tipo B et, au tour suivant, il passe Nuvolari.
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