Matra Buggy Bertone

Le buggy secret

© Classic & Sports Car / Serge Cordey

Ce buggy récemment sorti de l’ombre était destiné à disparaître, enterrant avec lui son histoire. Le sort en a décidé autrement, ce qui nous permet d’évoquer ses étonnantes péripéties.

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Salon de Paris 1970 : le stand Bertone expose un buggy, présenté ainsi dans L’Auto-Journal du 8 octobre : « Enfin le premier Dune-Buggy de série ! Ce prototype de dune-buggy a été réalisé sur une idée de Shell et l’Auto-Journal, par Bertone et Chrysler-France ». Rappelons au passage que, suite à la prise de participation en 1963 de Chrysler dans Simca, augmentée en 1970, la marque américaine s’invite sur le capot des voitures du constructeur français.

Dans son numéro suivant et sous le titre « Le voulez-vous », L’Auto-Journal publie cette fois un grand questionnaire interrogeant les lecteurs sur leur vision de ce buggy : pour quel usage, à quel prix, montée ou en kit, avec ou sans capote et portes, etc. Puis, malgré l’annonce d’un essai prochain, plus rien. Rideau.

Pourtant, le projet de Bertone a bien eu une suite, puisque nous avons sous les yeux un prototype Matra qui en reprend la forme. Il faut se rappeler que, pour favoriser la commercialisation du coupé 530, Matra a conclu en 1970 un accord avec Chrysler France pour pouvoir utiliser son réseau. Après celui de Chrysler, le monogramme Matra apposé sur ce buggy répond donc à une certaine logique, mais qui n’explique pas tout. Pour bien comprendre ce petit roadster, nous nous sommes rendus à Romorantin, ancien fief du constructeur, pour rencontrer Jean-Paul Humbert. Lui qui a très largement contribué à la remise en état de la collection Matra et à la création du musée, nous emmène aujourd’hui chez Claude Pigache, l’ingénieur qui s’est occupé de la conception du Buggy Bertone version Matra. Avant de s’y rendre, Jean-Paul place six œufs dans une boîte, en précisant. « Je lui apporte régulièrement des œufs de mes poules ! » Une attention qui entretient l’amitié, entre anciens de chez Matra qui se voient régulièrement…

Claude Pigache nous accueille chez lui : l’esprit vif et les souvenirs très présents, difficile de croire à ses 90 ans ! Son atelier est occupé par plusieurs machines d’usinage qu’il utilise encore quotidiennement pour fabriquer des pièces ou tailler de petites maquettes dans un bloc d’acier. Chez Matra, il était une sorte de « voltigeur », l’homme des situations désespérées. Quand une chaîne de montage connaissait une défaillance technique menaçant de l’arrêter, il était appelé à la rescousse pour une solution rapide en attendant la réparation définitive. A tel point qu’il a laissé son empreinte dans le vocabulaire Matra : une « pigacherie » était un concentré d’ingéniosité pour une solution de dépannage. Et il contribuait aussi à la réalisation de prototypes, ce qui explique son intervention sur le buggy, comme il le raconte : « C’est quelque chose qui a été fait « en perruque », c’est-à-dire en dehors du bureau d’études, mais avec l’accord de la direction. On nous a apporté un jour ce buggy qui venait de chez Bertone, en nous disant : « Prenez des moules de la carrosserie, mais ne l’abîmez pas ! Nous devons le rendre dans trois jours. » C’est ce que nous avons fait. Je me souviens juste d’un petit bout de Blackson qui s’était détaché et que nous avons réparé avant que la voiture ne reparte. »

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